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Préparer une grande casserole,
Couper les mots de colère,
garder ceux qui sont adoucissants,
équilibrants et apaisants,
Brosser, peler et laver égoïsme,
Hâcher les conflits et la froideur,
Enlever la peau de la contrariété et celle des ressentiments avant cuisson,
Rejeter le mauvais, annuler le négatif,
Combiner le respect et la courtoisie,
Ajouter une très grosse canne d'affections,
Une bouteille pleine de délicatesses,
Mesurer un gros contenant plein de bon sens,
Mettre le bouillon de la politesse bien dégraissé de l'inattention,
Un cube d'accessibilité,
Mêler la bonne attitude, la vitalité, l'enthousiasme,
Mettre un bouquet garni de paroles aimables,
Parsemer de poudre de disponibilité,
Saupoudrer de beaucoup, beaucoup d'amour,
accompagné d'une voix douce,
Ne pas mettre trop de reproches, attention, ça gâterait le tout,
L' ajout de la cordialité donne un très bon petit goût,
On peut varier avec la convivialité,
Certains préfèrent avec un soupçon d'étreintes,
Remuer délicatement,
Épaissir pour lui donner la texture veloutée de la tendresse,
Incorporer petit à petit l'humour,
Encore meilleure si on a préalablement prévu la bienveillance.
À feu doux, et porter à ébullition l'émerveillement,
Réduire le feu des arrières-pensées,
Laisser mijoter le don de soi et les p'tits bonheurs,
Poursuivre la cuisson dans une ambiance sereine et chaleureuse.
Un parfum agréable de compréhension se propagera
dans toute la maisonnée.
varier les saveurs. Et sortez votre plus belle soupière !
Une soupe exquise, saine, équilibrée, bonne à se délecter,
chaude et très réconfortante.
Une recette appétissante, nourrissante et adaptable à toute la famille.
On peut l'accompagner de biscuits de gestes sympathiques
ou de croûtons de finesses, et d'un filet de bon accueil.
Déguster le plaisir de vous sentir rassasié.
Très bon choix lorsqu'on reçoit la visite à souper.
Un régal ! À la soupe !!!
( auteure : Francine G.)
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Gentils oiseaux, venez à ma fenêtre,
Ce blanc duvet est pour vos petits nids ;
Je sens aussi que le printemps va naître,
Mon cœur ému s'épanche au sein des nuits.
Les fleurs déjà dégagent leurs corolles,
Leur corset vert ne craint plus les autans ;
Voici les jours des jeux, des danses folles,
Jolis oiseaux, célébrons le printemps.
Présage heureux, la nature féconde
Sème de fleurs le lit de son époux ;
Partout l'amour devient la loi du monde
Et les amants ont des regards plus doux.
Voici venir l'heure de la tendresse,
L'heure joyeuse aux baisers éclatants ;
Buvons donc tous aux coupes de l'ivresse ;
Jolis oiseaux, célébrons le printemps.
Oh ! comme vous que n'ai-je aussi des ailes
Pour m'envoler sous les bois odorants !
Que n'ai-je aussi des caresses nouvelles
Pour apaiser mes pensées délirants !
Mais ici-bas, solitaire et rêveuse,
Je ne connais que les tristes instants ;
Combien pourtant je voudrais être heureuse !
Jolis oiseaux, célébrons le printemps.
En écoutant la chanson si jolie
Que vous jetez aux vents de l'horizon,
Je sens mon cœur pris de mélancolie,
Et de désirs qui troublent ma raison,
Après ces chants qui peignent votre flamme,
De volupté je vous vois palpitants ;
Et moi j'attends à qui donner mon âme ;
Jolis oiseaux, célébrons le printemps.
N'ai-je pas droit à la faveur céleste,
Au tendre amour, à ma part de bonheur
La vie, hélas ! serait un don funeste
Si l'on devait languir dans le malheur ;
Mais Dieu jamais ne manque à ses promesses,
Il fit un cœur pour tout cœur de vingt ans.
Je suis aimée, allons ! plus de tristesses,
Jolis oiseaux, célébrons le printemps.
Robert Dutertre.
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"Voici venir Pâques fleuries,
Et devant les confiseries
Les petits vagabonds s'arrêtent, envieux.
Ils lèchent leurs lèvres de rose
Tout en contemplant quelque chose
Qui met de la flamme à leurs yeux.
Leurs regards avides attaquent
Les magnifiques œufs de Pâques
Qui trônent, orgueilleux, dans les grands magasins,
Magnifiques, fermes et lisses,
Et que regardent en coulisse
Les poissons d'avril, leurs voisins.
Les uns sont blancs comme la neige.
Des copeaux soyeux les protègent.
Leurs flancs sont faits de sucre. Et l'on voit, à côté,
D'autres, montrant sur leurs flancs sombres
De chocolat brillant dans l'ombre,
De tout petits anges sculptés.
Les uns sont petits et graciles,
Il semble qu'il serait facile
D'en croquer plus d'un à la fois ;
Et d'autres, prenant bien leurs aises,
Unis, simples, pansus, obèses,
S'étalent comme des bourgeois.
Tous sont noués de faveurs roses.
On sent que mille bonnes choses
Logent dans leurs flancs spacieux
L'estomac et la poche vides,
Les pauvres petits, l'œil avide,
Semblent les savourer des yeux."
Marcel Pagnol (écrit en 1910)
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De quel droit mettez-vous des oiseaux dans des cages ?
De quel droit ôtez-vous ces chanteurs aux bocages,
Aux sources, à l'aurore, à la nuée, aux vents ?
De quel droit volez-vous la vie à ces vivants ?
Homme, crois-tu que Dieu, ce père, fasse naître
L'aile pour l'accrocher au clou de ta fenêtre ?
Ne peux-tu vivre heureux et content sans cela ?
Qu'est-ce qu'ils ont donc fait tous ces innocents-là
Pour être au bagne avec leur nid et leur femelle ?
Qui sait comment leur sort à notre sort se mêle ?
Qui sait si le verdier qu'on dérobe aux rameaux,
Qui sait si le malheur qu'on fait aux animaux
Et si la servitude inutile des bêtes
Ne se résolvent pas en Nérons sur nos têtes ?
Qui sait si le carcan ne sort pas des licous ?
Oh! de nos actions qui sait les contre-coups,
Et quels noirs croisements ont au fond du mystère
Tant de choses qu'on fait en riant sur la terre ?
Quand vous cadenassez sous un réseau de fer
Tous ces buveurs d'azur faits pour s'enivrer d'air,
Tous ces nageurs charmants de la lumière bleue,
Chardonneret, pinson, moineau franc, hochequeue,
Croyez-vous que le bec sanglant des passereaux
Ne touche pas à l'homme en heurtant ces barreaux ?
Prenez garde à la sombre équité. Prenez garde !
Partout où pleure et crie un captif, Dieu regarde.
Ne comprenez-vous pas que vous êtes méchants ?
À tous ces enfermés donnez la clef des champs !
Aux champs les rossignols, aux champs les hirondelles ;
Les âmes expieront tout ce qu'on fait aux ailes.
La balance invisible a deux plateaux obscurs.
Prenez garde aux cachots dont vous ornez vos murs !
Du treillage aux fils d'or naissent les noires grilles ;
La volière sinistre est mère des bastilles.
Respect aux doux passants des airs, des prés, des eaux !
Toute la liberté qu'on prend à des oiseaux
Le destin juste et dur la reprend à des hommes.
Nous avons des tyrans parce que nous en sommes.
Tu veux être libre, homme ? et de quel droit, ayant
Chez toi le détenu, ce témoin effrayant ?
Ce qu'on croit sans défense est défendu par l'ombre.
Toute l'immensité sur ce pauvre oiseau sombre
Se penche, et te dévoue à l'expiation.
Je t'admire, oppresseur, criant: oppression !
Le sort te tient pendant que ta démence brave
Ce forçat qui sur toi jette une ombre d'esclave
Et la cage qui pend au seuil de ta maison
Vit, chante, et fait sortir de terre la prison.
~ Victor HUGO
(1802-1885)
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Tout parle ; l'air qui passe et l'alcyon qui vogue,
Le brin d'herbe, la fleur, le germe, l'élément.
T'imaginais-tu donc l'univers autrement ?
Crois-tu que Dieu, par qui la forme sort du nombre,
Aurait fait à jamais sonner la forêt sombre,
L'orage, le torrent roulant de noirs limons,
La mouche, le buisson, la ronce où croît la mûre,
Et qu'il n'aurait rien mis dans l'éternel murmure ?
Crois-tu que l'eau du fleuve et les arbres des bois,
S'ils n'avaient rien à dire, élèveraient la voix ?
Prends-tu le vent des mers pour un joueur de flûte ?
Crois-tu que l'océan, qui se gonfle et qui lutte,
Serait content d'ouvrir sa gueule jour et nuit
Pour souffler dans le vide une vapeur de bruit,
Et qu'il voudrait rugir, sous l'ouragan qui vole,
Si son rugissement n'était une parole ?
Crois-tu que le tombeau, d'herbe et de nuit vêtu,
Ne soit rien qu'un silence ? et te figures-tu
Que la création profonde, qui compose
Sa rumeur des frissons du lys et de la rose,
De la foudre, des flots, des souffles du ciel bleu,
Ne sait ce qu'elle dit quand elle parle à Dieu ?
Crois-tu qu'elle ne soit qu'une langue épaissie ?
Crois-tu que la nature énorme balbutie,
Et que Dieu se serait, dans son immensité,
Donné pour tout plaisir, pendant l'éternité,
D'entendre bégayer une sourde-muette ?
Non, l'abîme est un prêtre et l'ombre est un poète ;
Non, tout est une voix et tout est un parfum ;
Tout dit dans l'infini quelque chose à quelqu'un ;
Une pensée emplit le tumulte superbe.
Dieu n'a pas fait un bruit sans y mêler le Verbe.
Tout, comme toi, gémit ou chante comme moi ;
Tout parle.
Et maintenant, homme, sais-tu pourquoi
Tout parle ?
Écoute bien.
C'est que vents, ondes, flammes
Arbres, roseaux, rochers, tout vit !
Tout est plein d'âmes.
Victor Hugo
- Ce que dit la bouche d’ombre -
(Les Contemplations)
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Comme un diable au fond de sa boîte,
le bourgeon s'est tenu caché...
mais dans sa prison trop étroite
il baille et voudrait respirer.
Il entend des chants, des bruits d'ailes,
il a soif de grand jour et d'air...
il voudrait savoir les nouvelles,
il fait craquer son corset vert.
Puis, d'un geste brusque, il déchire
son habit étroit et trop court
"enfin, se dit-il, je respire,
je vis, je suis libre... bonjour !"
Paul Geraldy
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Tout est lumière, tout est joie.
L’araignée au pied diligent
Attache aux tulipes de soie
Ses rondes dentelles d’argent.
La frissonnante libellule
Mire les globes de ses yeux
Dans l’étang splendide où pullule
Tout un monde mystérieux.
La rose semble, rajeunie,
S’accoupler au bouton vermeil ;
L’oiseau chante plein d’harmonie
Dans les rameaux plein de soleil. (…)
Sous les bois, où tout bruit s’émousse,
Le faon craintif joue en rêvant ;
Dans les verts écrins de la mousse
Luit le scarabée, or vivant. (…)
La giroflée avec l’abeille
Folâtre en baisant le vieux mur ;
Le chaud sillon gaiement s’éveille,
Remué par le germe obscur.
Tout vit et se pose avec grâce,
Le rayon sur le seuil ouvert,
L’ombre qui fuit sur l’eau qui passe,
Le ciel bleu sur le coteau vert.
La plaine brille, heureuse et pure ;
Le bois jase, l’herbe fleurit …
- Homme ! Ne crains rien ! La nature
Sait le grand secret, et sourit.
Victor Hugo
*Source texte/poéme Lesilencedesmots.blogspost
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Titre : Le printemps
Poète : Auguste Angellier (1848-1911)
Recueil : Le chemin des saisons (1903).
Les bourgeons verts, les bourgeons blancs
Percent déjà le bout des branches,
Et, près des ruisseaux, des étangs
Aux bords parsemés de pervenches,
Teintent les arbustes tremblants ;
Les bourgeons blancs, les bourgeons roses,
Sur les buissons, les espaliers,
Vont se changer en fleurs écloses ;
Et les oiseaux, dans les halliers,
Entre eux déjà parlent de roses ;
Les bourgeons verts, les bourgeons gris,
Reluisant de gomme et de sève
Recouvrent l'écorce qui crève
Le long des rameaux amoindris ;
Les bourgeons blancs, les bourgeons rouges,
Sèment l'éveil universel,
Depuis les cours noires des bouges
Jusqu'au pur sommet sur lequel,
Ô neige éclatante, tu bouges ;
Bourgeons laiteux des marronniers,
Bourgeons de bronze des vieux chênes,
Bourgeons mauves des amandiers,
Bourgeons glauques des jeunes frênes,
Bourgeons cramoisis des pommiers,
Bourgeons d'ambre pâle du saule,
Leur frisson se propage et court,
À travers tout, vers le froid pôle,
Et grandissant avec le jour
Qui lentement sort de sa geôle,
Jette sur le bois, le pré,
Le mont, le val, les champs , les sables,
Son immense réseau tout prêt
À s'ouvrir en fleurs innombrables
Sur le monde transfiguré.
Auguste Angellier.
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Car le mot, qu'on le sache, est un être vivant.
La main du songeur vibre et tremble en l'écrivant;
La plume, qui d'une aile allongeait l'envergure,
Frémit sur le papier quand sort cette figure,
Le mot, le terme, type on ne sait d'où venu,
Face de l'invisible, aspect de l'inconnu;
Créé, par qui? forgé, par qui? jailli de l'ombre;
Montant et descendant dans notre tête sombre
Trouvant toujours le sens comme l'eau le niveau;
Formule des lueurs flottantes du cerveau.
Oui, vous tous, comprenez que les mots sont des choses.
Ils roulent pêle-mêle au gouffre obscur des proses,
Ou font gronder le vers, orageuse forêt.
Du sphinx Esprit Humain le mot sait le secret.
Le mot veut, ne veut pas, accourt, fée ou bacchante,
S'offre, se donne ou fuit; devant Néron qui chante
Ou Charles-Neuf qui rime, il recule hagard;
Tel mot est un sourire, et tel autre un regard;
De quelque mot profond tout homme est le disciple;
Toute force ici-bas a le mot pour multiple;
Moulé sur le cerveau, vif ou lent, grave ou bref,
Le creux du crâne humain lui donne son relief;
La vieille empreinte y reste auprès de la nouvelle;
Ce qu'un mot ne sait pas, un autre le révèle;
Les mots heurtent le front comme l'eau le récif;
Ils fourmillent, ouvrant dans notre esprit pensif
Des griffes ou des mains, et quelques-uns des ailes;
Comme en un âtre noir errent des étincelles,
Rêveurs, tristes, joyeux, amers, sinistres, doux,
Sombre peuple, les mots vont et viennent en nous;
Les mots sont les passants mystérieux de l'âme
Chacun d'eux porte une ombre ou secoue une flamme;
Chacun d'eux du cerveau garde une région;
Pourquoi? c'est que le mot s'appelle Légion,
C'est que chacun, selon l'éclair qui le traverse,
Dans le labeur commun fait une oeuvre diverse;
C'est que de ce troupeau de signes et de sons
Qu'écrivant ou parlant, devant nous nous chassons,
Naissent les cris, les chants, les soupirs, les harangues;
C'est que, présent partout, nain caché sous les langues,
Le mot tient sous ses pieds le globe et l'asservit;
Et, de même que l'homme est l'animal où vit
L'âme, clarté d'en haut par le corps possédée,
C'est que Dieu fait du mot la bête de l'idée.
Le mot fait vibrer tout au fond de nos esprits.
Il remue, en disant: Béatrix, Lycoris,
Dante au Campo-Santo, Virgile au Pausilippe.
De l'océan pensée il est noir polype.
Quand un livre jaillit d'Eschyle ou de Manou,
Quand saint Jean à Patmos écrit sur son genou,
On voit, parmi leurs vers pleins d'hydres et de stryges
Des mots monstres ramper dans ces oeuvres prodiges.
O main de l'impalpable! ô pouvoir surprenant!
Mets un mot sur un homme, et l'homme frissonnant
Sèche et meurt, pénétré par la force profonde;
Attache un mot vengeur au flanc de tout un monde,
Et le monde, entraînant pavois, glaive, échafaud,
Ses lois, ses moeurs, ses dieux, s'écroule sous le mot.
Cette toute-puissance immense sort des bouches.
La terre est sous les mots comme un champ sous les mouches
Le mot dévore, et rien ne résiste à sa dent.
A son haleine, l'âme et la lumière aidant,
L'obscure énormité lentement s'exfolie.
Il met sa force sombre en ceux que rien ne plie;
Caton a dans les reins cette syllabe: NON.
Tous les grands obstinés, Brutus, Colomb, Zénon,
Ont ce mot flamboyant qui luit sous leur paupière:
Esperance ! - Il entr'ouvre une bouche de pierre
Dans l'enclos formidable où les morts ont leur lit,
Et voilà que don Juan pétrifié pâlit!
Il fait le marbre spectre, il fait l'homme statue.
Il frappe, il blesse, il marque, il ressuscite, il tue;
Nemrod dit: "Guerre!" alors, du Gange à l'Illissus,
Le fer luit, le sang coule. "Aimez-vous!" dit Jésus.
Et ce mot à jamais brille et se réverbère
Dans le vaste univers, sur tous, sur toi, Tibère,
Dans les cieux, sur les fleurs, sur l'homme rajeuni,
Comme le flamboiement d'amour de l'infini!
Quand, aux jours où la terre entr'ouvrait sa corolle,
Le premier homme dit la première parole,
Le mot né de sa lèvre, et que tout entendit,
Rencontra dans les cieux la lumière, et lui dit:
"Ma soeur!
Envole-toi! plane! sois éternelle!
Allume l'astre! emplis à jamais la prunelle!
Echauffe éthers, azurs, sphères, globes ardents;
Eclaire le dehors, j'éclaire le dedans.
Tu vas être une vie, et je vais être l'autre.
Sois la langue de feu, ma soeur, je suis l'apôtre.
Surgis, effare l'ombre, éblouis l'horizon,
Sois l'aube; je te vaux, car je suis la raison;
A toi les yeux, à moi les fronts. O ma soeur blonde,
Sous le réseau Clarté tu vas saisir le monde;
Avec tes rayons d'or, tu vas lier entre eux
Les terres, les soleils, les fleurs, les flots vitreux,
Les champs, les cieux; et moi, je vais lier les bouches;
Et sur l'homme, emporté par mille essors farouches,
Tisser, avec des fils d'harmonie et de jour,
Pour prendre tous les coeurs, l'immense toile Amour.
J'existais avant l'âme, Adam n'est pas mon père.
J'étais même avant toi; tu n'aurais pu, lumière,
Sortir sans moi du gouffre où tout rampe enchaîné;
Mon nom est Fiat Lux, et je suis ton aîné!"
Oui, tout-puissant! tel est le mot. Fou qui s'en joue!
Quand l'erreur fait un noeud dans l'homme, il le dénoue.
Il est foudre dans l'ombre et ver dans le fruit mûr.
Il sort d'une trompette, il tremble sur un mur,
Et Balthazar chancelle, et Jéricho s'écoule.
Il s'incorpore au peuple, étant lui-même foule.
Il est vie, esprit, germe, ouragan, vertu, feu;
Car le mot, c'est le Verbe, et le Verbe, c'est Dieu.'
- Victor HugoLes Contemplations, Livre I. (1855)
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Ah ! vous dirais-je Maman
A quoi nous passons le temps
Avec mon cousin Eugène ?
Sachez que ce phénomène
Nous a inventé un jeu
Auquel nous jouons tous les deux.
Il m'emmène dans le bois
Et me dit: "déshabille-toi " .
Quand je suis nue tout entière,
Il me fait coucher par terre,
Et de peur que je n'aie froid
Il vient se coucher sur moi.
Puis il me dit d'un ton doux :
"Écarte bien tes genoux"
Et la chose va vous faire rire
Il embrasse ma tirelire
Oh ! vous conviendrez Maman
Qu'il a des idées vraiment !
Puis il sort, je ne sais d'où
Un petit animal très doux,
Une espèce de rat sans pattes
Qu'il me donne et que je flatte.
Oh ! le joli petit rat !
D'ailleurs, il vous le montrera.
Et c'est juste à ce moment
Que le jeu commence vraiment.
Eugène prend sa petite bête
Et la fourre dans une cachette
Qu'il a trouvée, le farceur,
Où vous situez mon honneur.
Mais ce petit rat curieux,
Très souvent devient furieux.
Voilà qu'il sort et qu'il rentre
Et qu'il me court dans le ventre.
Mon cousin a bien du mal
à calmer son animal.
Complètement essoufflé,
Il essaye de le rattraper.
Moi je ris à perdre haleine
Devant les efforts d'Eugène.
Si vous étiez là, Maman
Vous ririez pareillement.
Au bout de quelques instants
Le petit rat sort en pleurant.
Alors Eugène qui a la tremblotte
Le remet dans sa redingote.
Et puis tous deux, nous rentrons
Sagement à la maison.
Mon cousin est merveilleux
Il connait des tas de jeux
Demain soir, sur la carpette
Il doit m'apprendre la levrette
Si vraiment c'est amusant
Je vous l'apprendrai en rentrant.
Voici ma chère Maman
Comment je passe mon temps.
Vous voyez je suis très sage.
Je fuis tous les bavardages
Et j'écoute vos leçons :
Je ne parle pas aux garçons.
Qui d'aujourd'hui ou d'hier
Aurait parlé ainsi à sa mère...?
Cousin, cousine en tout temps
Jouent au Papa et Maman
Curieux de découvrir l'autrement...
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Le principal usage du tablier de grand'mère était de protéger la robe en dessous ,
mais en plus de cela , il servait de gant pour retirer une poêle brûlante du fourneau ; il était merveilleux pour essuyer les larmes des enfants , et à certaines occasions , pour nettoyer les frimousses salies.
Depuis le poulailler , le tablier servait à transporter les oeufs , les poussins à réanimer , et parfois les oeufs félés qui finissaient dans le fourneau.
Quand les visiteurs arrivaient , le tablier servait d'abri à des enfants timides ; et quand le temps était frais , Grand'mère s'en emmitouflait les bras.
Ce bon vieux tablier faisait office de soufflet , agité au dessus du feu de bois .
C'est lui qui transbahutait les pommes de terre et le bois sec jusque dans la cuisine.
Depuis le potager , il servait de panier pour de nombreux légumes .
Après que les petits pois aient été récoltés , venait le tour des choux.
En fin de saison il était utilisé pour ramasser les pommes tombées de l'arbre.
Quand les visiteurs arrivaient de façon impromptue , c'était surprenant de voir avec quelle rapidité ce vieux tablier pouvait faire la poussière.
A l'heure de servir le repas , Grand'mère allait sur le perron agiter son tablier , et les hommes au champ savaient aussitôt qu'ils devaient passer à table.
Grand'mère l'utilisait aussi pour poser la tarte aux pommes à peine sortie du four sur le rebord de la fenêtre pour qu'elle refroidisse , tandis que de nos jours ,sa petite fille la pose là pour dégongeler.
Il faudra de bien longues années avant que quelqu'un invente quelque objet qui puisse remplacer ce bon vieux tablier qui servait à tant de choses.
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Mars
Adieu les jours sereins, et les nuits étoilées !
La neige à flocons lourds s'amoncelle à foison
Au penchant des coteaux, dans le fond des vallées
C'est le dernier effort de la rude saison.
C'est le mois ennuyeux, le mois des giboulées ;
Des frimas cristallins l'étrange floraison
Brode ses fleurs de givre aux branches constellées ; -
Là-bas un trait bronzé dessine l'horizon.
Le vieux chasseur des bois dépose ses raquettes ;
Plus d'orignaux géants, plus de biches coquettes,
Plus de course lointaine au lointain Labrador.
Il s'en consolera, dans la combe voisine,
En regardant monter sur un feu de résine
La sève de l'érable en brûlants bouillons d'or.
Louis - Honoré Fréchette
Recueil : Oiseaux de neige
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Titre : Giboulée
Poète : Nérée Beauchemin (1850-1931)
Recueil : Les floraisons matutinales (1897).
De grands brouillards couleur de suie,
Chassés par un vent sans pareil,
Passent à plein vol : neige et pluie
Tombent, brillantes de soleil.
Sur les toits, globule à globule,
Pétillent grésil et grêlons ;
Et la vitre tintinnabule :
On croit ouïr des carillons.
Sans répit, la mitraille fine
Sautille, étincelle, bruit :
Puis une bruine argentine
Filtre du nuage qui fuit.
Nul crayon ne pourrait décrire
Ce temps qui change en un clin d'œil.
Des pleurs se mêlent au sourire
Qu'avril donne à l'hiver en deuil.
Une aveuglante soleillée
Jaillit tout à coup du ciel bleu ;
Il semble que la giboulée
Darde mille aiguilles de feu.
Étoiles de glace fleuries,
Prismes de cristal délicats :
On dirait mille pierreries,
Mille papillotants micas.
Mais ces joyaux se fondent vite.
L'astre qui déjà flambe haut,
Dans l'azur éclairci gravite
De plus en plus clair et plus chaud.
En dépit de la bise froide,
Ses obliques rayons tiédis
Font mollir la ramure roide
Des vieux érables engourdis.
Au fond des forêts que décorent
Sapins verts et blancs merisiers,
Les sirops odorants se dorent
Au feu des résineux brasiers.
De l'écorce fraîche entaillée,
Dans les vases de fin bouleau,
Pure, cristalline, emmiellée,
Goutte à goutte distille l'eau.
Maintenant le couchant rougeoie.
L'oiseau, qui pressent les beaux jours,
Raconte la première joie
De ses vagabondes amours.
Huppe au vent, il saute, il pépie.
La mère, au creux des brins douillets,
Grelottante, en boule tapie,
Réchauffe ses chers oiselets.
Preste courrier que nous dépêche
La saison verte, oiseau, qu'es-tu ?
Que nous chante la chanson fraîche
De ton grêle sifflet pointu ?
Alerte et gentil hochequeue,
Du haut des pins ne vois-tu pas,
Par-dessus la colline bleue,
Venir Mai, tout rose, là-bas ?
Pâques vient : monts, val et clairière
N'ont point quitté leur blanc décor,
Et la fauvette printanière
Ne rossignole pas encor.
Nérée Beauchemin.
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Une petite maison
C'est une petite maison toute ordinaire,
Elle n'est pas un château, mais celle de ma vie !
Elle est bien plus belle, dans mon imaginaire,
Et j'en suis le Prince, du haut de son parvis.
Quand je l'ai rencontrée, tout au bout du chemin,
Sa beauté m'a souri, je n'étais qu'un gamin.
J'ai sué, sang et eau, pour pouvoir l'habiter,
Et ce jour est venu, un beau matin d'été !
J'étais devenu grand, et ça faisait longtemps,
Que j'espérais enfin, ce merveilleux instant,
Où j'y déposerais, là, ma seule valise,
Au seuil de la porte, juste sous la marquise.
Dans mon petit chez-moi, j'y vis passionnément,
Loin des bruits de la ville, à l'abri des tourments !
Chaque jour qui passe dans ce coin de verdure,
Dans ce havre de paix, est sous de bons augures.
Aux marches du perron, du printemps à l'automne,
La campagne fleurit, le bonheur y rayonne,
Et durant tout l'été, au salon du jardin,
L'air exhale l'odeur, des fleurs de lavandin.
À la saison d'hiver, quand dans sa robe blanche,
Elle est immaculée, la Nature s'endimanche.
Alors auprès de l'âtre, quand la douce chaleur,
Se répand dans les pièces, j'en aime vraiment l'heur !
Si je pense à ce temps, de ma prime jeunesse,
Où mon cœur fut séduit, avec tant d'allégresse,
Par cette joliette, au coin d'un paradis,
C'est qu'en mon sein, mon âme encore s'en esbaudit !
C'est une petite maison tout ordinaire,
Elle n'est pas un château, mais celle de ma vie !
D'une belle idylle, notre histoire est bien née,
Sur un petit chemin, où nos âmes ont flâné.
Paul Stendhal
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Il y a les mots..~~ de Alexandra Julien
Il y a les mots qui ne sont pas dits,
et l'irréel qu'on imagine,
il y a ce que la vie écrit,
qui fait sourire ou qui chagrine,
il y a des êtres qui se mélangent,
et d'autres qui ne se trouvent jamais,
il y a des âmes qui dérangent,
et d'autres qui rêvent en secret,
il y a des regards qu'on poursuit,
et d'autres qu'on souhaite éviter,
il y a des amours qu'on choisit,
et d'autres qu'on voudrait amitié,
il y a le passé qui rappelle,
et d'autres temps à reconstruire,
il y a l'avenir qui donne des ailes,
quand le présent n'est pas soupir,
il y a le silence qui rassure,
et d'autres bruits qui nous effrayent,
il y a la douceur de l'écriture,
et d'autres cris qui ne viennent jamais,
il y a des gens venant vers moi,
et puis la solitude autour,
un mélange de chaud et de froid,
un peu comme l'absence et l'amour.
Alexandra Julien
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Braves gens, prenez garde aux choses que vous dites !
Tout peut sortir d'un mot qu'en passant vous perdîtes.
TOUT, la haine et le deuil ! Et ne m'objectez pas
Que vos amis sont sûrs et que vous parlez bas.
Écoutez bien ceci :
Tête-à-tête, en pantoufle,
Portes closes, chez vous, sans un témoin qui souffle,
Vous dites à l'oreille du plus mystérieux
De vos amis de coeur ou si vous aimez mieux,
Vous murmurez tout seul, croyant presque vous taire,
Dans le fond d'une cave à trente pieds sous terre,
Un mot désagréable à quelque individu.
Ce MOT - que vous croyez que l'on n'a pas entendu,
Que vous disiez si bas dans un lieu sourd et sombre -
Court à peine lâché, part, bondit, sort de l'ombre ;
Tenez, il est dehors ! Il connaît son chemin,
Il marche, il a deux pieds, un bâton à la main,
De bons souliers ferrés, un passeport en règle ;
Au besoin, il prendrait des ailes, comme l'aigle !
Il vous échappe, il fuit, rien ne l'arrêtera ;
Il suit le quai, franchit la place, et cætera
Passe l'eau sans bateau dans la saison des crues,
Et va, tout à travers un dédale de rues,
Droit chez le citoyen dont vous avez parlé.
Il sait le numéro, l'étage ; il a la clé,
Il monte l'escalier, ouvre la porte, passe, entre, arrive
Et railleur, regardant l'homme en face dit :
« Me voilà ! Je sors de la bouche d'un tel. »
Et c'est fait. Vous avez un ennemi mortel.
Victor Hugo, Toute la Lyre.
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La mésange bleue
Facétieuse et agile, une boule de plumes
Semble tomber du ciel sur l’herbe du jardin.
Reflets jaunes et bleus illuminant la brume,
Elle part et revient, toujours pleine d’entrain.
Ses petits yeux de jais pétillent de malice,
Visant avidement un tas de tournesol.
Elle attend patiemment l’instant le plus propice
Pour saisir une graine en effleurant le sol.
Et s’installant alors sur une branche basse,
Elle cherche à briser l’objet de son désir
En tapant vivement la coquille tenace
Qui cédant à l’assaut, consent à s’entrouvrir.
A la belle saison, se regroupant par couples,
Ils construisent en chœur un joli nid d’amour.
Et là pour leurs petits, à en perdre le souffle,
Sans trêve ils chasseront jusqu’à la fin du jour.
Nicole Bouglouan
Le 16 Janvier 2001
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La coccinelle
Le petit surnom de la coccinelle est “bête à bon dieu”, parce qu’elle serait un messager Divin; elle prédirait le temps (si elle ne s’envole pas de votre main c’est signe de mauvais temps à venir), elle porterait bonheur et en plus elle aide le jardiner à lutter contre les pucerons dans l’agriculture biologique ou raisonnée.
- La légende du Xème siècle :
Un homme accusé de meurtre est condamné à avoir le coup tranché. Il proteste de son innocence en vain et le bourreau s’apprête à abattre sa hache quand il aperçoit une coccinelle posée sur le cou du condamné.
Le bourreau retire gentiment la coccinelle et attrape sa hache pour œuvrer mais la coccinelle est de retour. Le bourreau a beau insister pour la déplacer, la coccinelle revient obstinément se poser sur le cou du condamné.
A tel point que le roi voit là un miracle Divin et donne sa grâce.
Quelques temps plus tard le véritable meurtrier fut découvert et la légende de la bête à bon dieu était née.
La coccinelle est un porte bonheur, un présage de chance
Ainsi, si une jolie coccinelle se pose sur votre bras il faut compter le nombre de points noirs sur son dos car ça correspondrait au nombre de mois de bonheur à venir.
- L’amie du jardiner :
La coccinelle adore se nourrir de pucerons donc le recours aux pesticides n’est pas nécessaire en sa présence. Par contre il vaut mieux introduire une espèce indigène, locale, parce qu’on a vu des espèces “exotiques”, chinoise par exemple, prendre le pas sur les coccinelles locales et devenir des gloutons qui posent problème à leur tour.
~ Source Blog : http://coccinelle-et-coquelicot.com/
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La philosophie de l'amour
Les fontaines se mêlent aux rivières,
Les rivières à l'Océan,
Les vents du Ciel s'unissent à jamais
Avec une douce émotion;
Rien dans le monde n'est solitaire
Toutes choses par loi divine
En un esprit se rencontrent, se mêlent.
Pourquoi pas le mien et le tien ?
Vois, les montagnes baisent le haut Ciel,
Les vagues l'une l'autre étreignent;
Nulle sœur-fleur ne serait pardonnée
Si elle dédaignait son frère;
Du soleil la lumière étreint la terre,
Les rais de lune baisent la mer:
Mais que vaut donc tout cet ouvrage tendre
Si toi tu ne m’embrasses pas ?
Percy Bisshe Shelley
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A une Alouette
Salut à toi, Esprit joyeux!
Car oiseau jamais tu ne fus
Qui dans le ciel, et presqu'aux Cieux
Epanche en longs accents profus
Un coeur empli de sons qu'aucun art n'a conçus.
De la terre où tu prends essor,
Nuage de feu jaillissant,
Tu t'élèves plus haut encore
Loin au-dessus de l'océan
Ne cessant l'ascension, ta chanson ne cessant.
Dans le soleil crépusculaire
Et l'or de son évanescence
Où les nuées se font plus claires
Tu sembles flotter, puis t'élances
Comme une joie sans corps dont la course commence.
Même pâleur et cramoisi
S'effacent quand tu les pourfends;
Comme une étoile en plein midi,
Nul ne te voit au firmament,
Pourtant j'entends le cri de ton enchantement;
Ardent comme là-haut la sphère
Aux si vives flèches d'argent,
Mais dont s'estompe la lumière
Dans la clarté du matin blanc
Jusqu'à n'être vue guère, que l'on sent là pourtant.
Partout sur terre et dans les airs
Ta puissante voix retentit
Comme quand la lune à travers
Le seul nuage de la nuit
Inonde tout le ciel de lumineuse pluie.
Ce que tu es nous ignorons;
Qu'est-ce qui le mieux te décrit?
Car les gouttes d'arc-en-ciel n'ont
Des nues jamais resplendi
Comme tombe l'averse de ta mélodie.
Ainsi le poète oublié
Dans sa lumière intérieure,
Chantant, sans en être prié,
L'hymne à ses espoirs et ses peurs
Aux hommes ébahis d'y découvrir les leurs;
Ainsi la noble damoiselle
Au palais, dans sa haute tour,
Qui des musiques les plus belles
Berce son coeur épris d'amour
Sans savoir qu'elle charme aussi toute la cour;
Ainsi le ver luisant doré
Dont la couleur seule est perçue
Au fond d'un vallon de rosée,
Parsemant ce halo diffus
Parmi l'herbe et les fleurs où lui est hors de vue;
Ainsi le rosier habillé
Du feuillage vert de ses fleurs
Que le vent brûlant vient piller
Mais dont l'odorante douceur
Fera s'évanouir l'aérien détrousseur.
L'averse vernale et son bruit
Sur les herbes qui étincellent,
Les fleurs éveillées par la pluie,
Joies pures et vives, certes, mais elles
Ne surpassent jamais ta musique éternelle.
Apprends-nous donc, sylphe ou oiseau,
Les doux pensers qui sont les tiens;
Je n'ai jamais entendu mots
D'éloge à l'amour ou au vin
Déclamés en un flot de bonheur si divin.
Chants de triomphe et choeurs nuptiaux,
Si à ta voix on les compare,
Nous paraissent creux, sonnent faux
Et ne sont que vaines fanfares
Auxquelles font défaut les choses les plus rares.
Quelle est la source, quel est l'objet
De cette chantante fontaine?
Des bois? Des vagues? De hauts sommets?
Des formes de ciel ou de plaine?
L'amour de ton espèce? Le mépris de la peine?
Car dans ton pur ravissement
La langueur ne trouve point place;
Et l'ombre du désagrément
Jamais même ne te menace;
Tu aimes, mais de l'amour ignores ce qui lasse.
En éveil, ou lorsque tu dors,
N'est-ce pas qu'en toi s'illumine
Plus de vérité sur la mort
Que les mortels n'en imaginent,
Pour que coulent de toi notes si cristallines?
Nous voulons demain et hier,
Après eux soupirons sans cesse;
Dans nos rires les plus sincères,
Il est toujours quelque détresse;
Et nos chants sont plus beaux qui parlent de tristesse.
Pourtant si nous avions pouvoir
D'oublier peur, orgueil et haine,
Si nous étions nés pour avoir
De la vie ni larmes ni peine,
Comme ta joie dès lors nous paraîtrait lointaine.
Ton art, mieux que tous les ténors
Qui touchent l'âme profonde,
Ton art, mieux que tous les trésors
Dont tant de grands livres abondent,
Servirait le poète, ô oublieux du monde!
Apprends-moi un peu du plaisir
Connu d'un coeur toujours content,
Pareil harmonieux délire
Coulerait alors dans mon chant;
Le monde m'entendrait, comme moi je t'entends!
Trad. Jean-Luc Wronski
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