• La chasse au brochet

     

    J’ai vu parfois dans l’ombre glisser des brochets.

     Ils ont l’air taciturne des seigneurs de la guerre

     reîtres ils aimeraient passer pour condottiere

     et hantent les bas-fonds en tenue de soirée.

     

    J’ai vu dans les salons ces êtres à sang-froid

     louvoyer et glisser entre de hautes herbes

     coupantes qui ondulent, femmes maîtresses, serves

     en robes de lamé, et fondre sur leur proie.

     

    J’ai vu par bancs glisser le long des verticaux

     aquariums aux parois dures de verre teinté

     où des salariés tombent, daphnies en suspension,

     les brochets en costumes des grands sièges sociaux.

     

    Ils vont aux Baléares ou l’été à Saint-Trop’,

     passent leurs nuits en boîte, hantent les champs de courses.

     Gardant toujours un œil sur les cours de la Bourse,

     ils se croisent en vol, d’Amérique en Europe.

     

    Les brochets ont du goût pour les poissons modestes ;

     c’est avec une classe qui fait la différence,

     d’une dent distinguée, feignant l’indifférence

     qu’ils déchirent leurs chairs et négligent leurs restes.

     

    Et, même si souvent d’ordinaires mulets

     qui paissent en banlieue se rêvent leurs émules

     et font dans les affaires, la chose est ridicule ;

     il y a un monde entre eux et celui des brochets.

     

    La nature est ainsi ; n’est pas brochet qui veut.

     Il faut une mâchoire inférieure en avant,

     l’air sombre et dans la bouche pas moins de sept cents dents.

     (Ces atouts, en principe, s’héritant des aïeux).

     

    Mais il faut au brochet rendre cette justice ;

     ce carnassier maussade peut être aussi très bon

     au vin blanc, à la crème, au beurre et au citron,

     sur un lit de fenouil, voire avec un pastis…

     

    Je me souviens – il y a, j’espère, prescription

     nous étions jeunes alors et nous n’avions pas d’arc ;

     des brochets sévissaient dans le bassin d’un parc

     et nous tirions dessus au pistolet à plomb.

     

    C’était dans un château qui dominait la plaine

     de sa claire terrasse ou nous nous reposions

     (tout en nous préparant pour la révolution)

     et tirant les brochets, nous agissions sans haine…

     

    Revanche des vilains sur la loi des seigneurs,

     le braconnage hélas est un art qui se perd.

     C’est je crois autrement qu’il faudra qu’on opère

     et à une autre échelle, contre ces prédateurs…

     

     

     

     

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 10 Avril 2015 à 18:09

    Tu vois il a mis son chapeau !!

    Bisous.

     

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    2
    Samedi 11 Avril 2015 à 07:16

    Poème d'utilité publique

    amicalement

    Claude

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