• A un poète.

    Ami, cache ta vie et répands ton esprit.

    Un tertre, où le gazon diversement fleurit ;
    Des ravins où l'on voit grimper les chèvres blanches ;
    Un vallon, abrité sous un réseau de branches
    Pleines de nids d'oiseaux, de murmures, de voix,
    Qu'un vent joyeux remue, et d'où tombe parfois,
    Comme un sequin jeté par une main distraite,
    Un rayon de soleil dans ton âme secrète ;
    Quelques rocs, par Dieu même arrangés savamment
    Pour faire des échos au fond du bois dormant ;
    Voilà ce qu'il te faut pour séjour, pour demeure !
    C'est là, - que ta maison chante, aime, rie ou pleure,
    Qu'il faut vivre, enfouir ton toit, borner tes jours,
    Envoyant un soupir à peine aux antres sourds,
    Mirant dans ta pensée intérieure et sombre
    La vie obscure et douce et les heures sans nombre,
    Bon d'ailleurs, et tournant, sans trouble ni remords,
    Ton coeur vers les enfants, ton âme vers les morts !
    Et puis, en même temps, au hasard, par le monde,
    Suivant sa fantaisie auguste et vagabonde,
    Loin de toi, par delà ton horizon vermeil,
    Laisse ta poésie aller en plein soleil !
    Dans les rauques cités, dans les champs taciturnes,
    Effleurée en passant des lèvres et des urnes,
    Laisse-la s'épancher, cristal jamais terni,
    Et fuir, roulant toujours vers Dieu, gouffre infini,
    Calme et pure, à travers les âmes fécondées,
    Un immense courant de rêves et d'idées,
    Qui recueille en passant, dans son flot solennel,
    Toute eau qui sort de terre ou qui descend du ciel !
    Toi, sois heureux dans l'ombre. En ta vie ignorée,
    Dans ta tranquillité vénérable et sacrée,
    Reste réfugié, penseur mystérieux !
    Et que le voyageur malade et sérieux
    Puisse, si le hasard l'amène en ta retraite,
    Puiser en toi la paix, l'espérance discrète,
    L'oubli de la fatigue et l'oubli du danger,
    Et boire à ton esprit limpide, sans songer
    Que, là-bas, tout un peuple aux mêmes eaux s'abreuve.

    Sois petit comme source et sois grand comme fleuve.

    le 26 avril 1839.


    Victor Hugo.

    « Qu'est -ce-que la Toussaint?Photos prises hier au lac de Saint Mandé dans le bois de Vincennes à vingt mètres de chez moi. »

  • Commentaires

    1
    Samedi 1er Novembre 2014 à 16:47

    Cette lettre à un ami est pleine de tendresse
    Bien heureuse personne à qui elle s'adresse
    Même la connaissant j'en suis toujours heureux
    A Lire le grand Victor c'est toujours l'instant bleu
    B I Z
    VL/Claude

    ps: Réduit tes photos grand ce n'est pas beau 

    2
    Samedi 1er Novembre 2014 à 17:46

    Tu es tombé dans les très belles  poésies du grand Victor, bravo....

    Superbe, la chute !!

    Bisous.

    Marielle.

    3
    Dimanche 2 Novembre 2014 à 09:02

    BONJOUR

    Je vois que de bon matin les vers sont ton petit déjeuner, ce joli poème destiné à un ami est romantique et triste à la fois. J'aime beaucoup.

    la citation de fin est superbe.

    mimi a eu ses enfants à l'improviste hier ils sont resté manger donc pas eu de temps pour le net désolé.

    j'espère que tu va bien

    on attends la pluie ce matin ca va nous changer du soleil printanier de ces derniers jours.

    Je me prépare pour la messe  (PMU) c'est ma chapelle du dimanche matin.

    bon dimanche

    bisou

    amitié

    mimi

    4
    Dimanche 2 Novembre 2014 à 09:23

    Sans regarder la signature, à la lecture de ce texte, j'avais reconnu la plume de Victor Hugo, un style inégalable de la douceur, de la tendresse et les mots justes pour lier et livrer tout ce que le cœur de l'homme peut contenir

    amicalement

    Claude

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