• L'abeille

     

     

    L'abeille

     

    Poète : Louise Ackermann (1813-1890)

     

    Recueil : Contes et poésies (1863).

     

     

    Quand l'abeille, au printemps, confiante et charmée, 

    Sort de la ruche et prend son vol au sein des airs, 

    Tout l'invite et lui rit sur sa route embaumée. 

    L'églantier berce au vent ses boutons entr'ouverts ; 

    La clochette des prés incline avec tendresse 

    Sous le regard du jour son front pâle et léger.

     

    L'abeille cède émue au désir qui la presse ; 

    Elle aperçoit un lis et descend s'y plonger. 

    Une fleur est pour elle une mer de délices. 

    Dans son enchantement, du fond de cent calices 

    Elle sort trébuchant sous une poudre d'or. 

    Son fardeau l'alourdit, mais elle vole encor. 

    Une rose est là-bas qui s'ouvre et la convie ; 

    Sur ce sein parfumé tandis qu'elle s'oublie, 

    Le soleil s'est voilé. Poussé par l'aquilon, 

    Un orage prochain menace le vallon. 

    Le tonnerre a grondé. Mais dans sa quête ardente 

    L'abeille n'entend rien, ne voit rien, l'imprudente ! 

    Sur les buissons en fleur l'eau fond de toute part ; 

    Pour regagner la ruche il est déjà trop tard. 

    La rose si fragile, et que l'ouragan brise, 

    Referme pour toujours son calice odorant ; 

    La rose est une tombe, et l'abeille surprise 

    Dans un dernier parfum s'enivre en expirant.

     

    Qui dira les destins dont sa mort est l'image ? 

    Ah ! combien parmi nous d'artistes inconnus, 

    Partis dans leur espoir par un jour sans nuage, 

    Des champs qu'ils parcouraient ne sont pas revenus ! 

    Une ivresse sacrée aveuglait leur courage ; 

    Au gré de leurs désirs, sans craindre les autans, 

    Ils butinaient au loin sur la foi du printemps. 

    Quel retour glorieux l'avenir leur apprête ! 

    À ces mille trésors épars sur leur chemin 

    L'amour divin de l'art les guide et les arrête : 

    Tout est fleur aujourd'hui, tout sera miel demain. 

    Ils revenaient déjà vers la ruche immortelle ; 

    Un vent du ciel soufflait, prêt à les soulever. 

    Au milieu des parfums la Mort brise leur aile ; 

    Chargés comme l'abeille, ils périssent comme elle 

    Sur le butin doré qu'ils n'ont pas pu sauver.

    Louise Ackermann. 

     

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  • Commentaires

    1
    Samedi 13 Août 2016 à 07:33

    Je ne pense pas que le poète aie vraiment observé les abeilles, il est des leurres qui trahissent les humains, mais ceux qui vivent près du divin ne se laissent pas envouté, et l'abeille fait partie d'une société bien plus évoluée que la nôtre, ce ne sont pas les ors et l'éphémère qui la fera agir. Même devant un butin elle ne se laisse jamais surprendre par l'orage, elle se dépêche de ramener sa contribution à la collectivité avant le déchainement des événement et lorsque les premières gouttes tombent, elle est bien à l'abri de sa ruche

    Amicalement

    Claude

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