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Quand le fil de ma vie.
Quand le fil de ma vie (hélas ! il tient à peine )
Tombera du fuseau qui le retient encor ;
Quand ton nom, mêlé dans mon sort,
Ne se nourrira plus de ma mourante haleine ;
Quand une main fidèle aura senti ma main
Se refroidir sans lui répondre ;
Quand mon dernier espoir, qu'un souffle va confondre,
Ne trouvera plus ton chemin,
Prends mon deuil : un pavot, une feuille d'absinthe,
Quelques lilas d'avril, dont j'aimai tant la fleur ;
Durant tout un printemps qu'ils sèchent sur ton cœur,
Je t'en prie : un printemps ! cette espérance est sainte !
J'ai souffert, et jamais d'importunes clameurs
N'ont rappelé vers moi ton amitié distraite ;
Va ! j'en veux à la mort qui sera moins discrète,
Moi, je ne serai plus quand tu liras : « Je meurs. »
Porte en mon souvenir un parfum de tendresse ;
Si tout ne meurt en moi, j'irai le respirer.
Sur l'arbre, où la colombe a caché son ivresse,
Une feuille, au printemps, suffit pour l'attirer.
S'ils viennent demander pourquoi ta fantaisie
De cette couleur sombre attriste un temps d'amour,
Dis que c'est par amour que ton cœur l'a choisie ;
Dis-leur que l'amour est triste, ou le devient un jour.
Que c'est un vœu d'enfance, une amitié première ;
Oh ! dis-le sans froideur, car je t'écouterai !
Invente un doux symbole où je me cacherai :
Cette ruse entre nous encor . . . c'est la dernière.
Dis qu'un jour, dont l'aurore avait eu bien des pleurs,
Tu trouvas sans défense une abeille endormie ;
Qu'elle se laissa prendre et devint ton amie ;
Qu'elle oublia sa route à te chercher des fleurs.
Dis qu'elle oublia tout sur tes pas égarée,
Contente de brûler dans l'air choisi par toi.
Sous cette ressemblance avec pudeur livrée,
Dis-leur, si tu le peux, ton empire sur moi.
Dis que l'ayant blessée, innocemment peut-être,
Pour te suivre elle fit des efforts superflus ;
Et qu'un soir accourant, sûr de la voir paraître,
Au milieu des parfums, tu ne la trouvas plus.
Que ta voix, tendre alors, ne fut pas entendue ;
Que tu sentis sa trame arrachée à tes jours ;
Que tu pleuras sans honte une abeille perdue ;
Car ce qui nous aima, nous le pleurons toujours.
Qu'avant de renouer ta vie à d'autres chaînes,
Tu détachas du sol où j'avais dû mourir
Ces fleurs, et qu'à travers les plus brillantes scènes,
De ton abeille encor le deuil vient t'attendrir.
Ils riront : que t'importe ? Ah ! sans mélancolie,
Reverras-tu des fleurs retourner la saison ?
Leur miel, pour toi si doux, me devint un poison :
Quand tu ne l'aimas plus, il fit mal à ma vie.
Enfin, l'été s'incline, et tout va pâlissant :
Je n'ai plus devant moi qu'un rayon solitaire,
Beau comme un soleil pur sur un front innocent
Là-bas . . . c'est ton regard : il retient à la terre !
Marceline Desbordes-Valmore.
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Commentaires
Pour une brodeuse le fil devient artistique
S'incline devant une poésie magnifique
Merci de cet instant charmant
Il va au fil du temps
B I Z
VL/ClaudeQuand le fil de la vie est prêt à se rompre, on revoit avec ravissement notre vie dans ce monde.
Magnifique poésie
amicalement
Claude
bonjour Danielle , ah de la glycine superbe !! merci pour ce poème ... bisous belle journée A+
Merci pour ce poème...
Qui rejoint le mien...
Tu es la bienvenue ...
Au petit chemin des vignes...
Je t'embrasse et te veux dans le soleil de ma vie !
Marielle.
Tant cette poésie est belle que j'ai voulu aller plus loin dans la connaissance de cette poétesse, je partage avec vous ce que j'ai trouvé
Marceline Desbordes-Valmore, tant admirée par Hugo, Lamartine, Vigny ou Verlaine ("Nous proclamons à haute et intelligible voix que Mme Desbordes-Valmore est tout bonnement la seule femme de génie et de talent de ce siècle et de tous les siècles...") ?
Né en 1786 à Douai, Marceline connaît très tôt la misère. Fille d'un peintre en armoiries ruiné par la Révolution, elle suit sa mère en Guadeloupe qui fuit la métropole pour essayer de faire fortune. Fièvre jaune, mort de la mère, Marceline rentre seule, joue dès 16 ans des petits rôles sans succès dans les salles parisiennes, rencontre Henri de Latouche, son grand amour qu'elle nomme Olivier dans ses poèmes, épouse Valmore connu lors d'une représentation du Barbier de Séville (elle y interprète Rosine) en 1817. Le factum s'acharne sur la belle : elle perd quatre de ses cinq enfants, parcourt la France pour gagner sa vie ; mais ces déconvenues du destin ne l'empêchent pas de publier plusieurs recueils de poèmes : Elegies et romances en 1819, Elegies nouvelles en 1824, Pleurs en 1833 puis Pauvres fleurs en 1839. Bien au contraire. Ces malheurs, mais aussi ces bonheurs (son grand amour pour Henri de Latouche) sont la source d'une poésie unique, faite de romantisme, de résignation et de questionnement divin. Elle meurt à Paris, dans une grande solitude, en 1859.
Elle chante l'amour comme personne : tendre sentiment aux lendemains qui déchante, l'amour vaut la peine d'être vécu, même s'il provoque souvent la peur, la crainte et in fine le désespoir. Marceline ne croit pas en l'amour éternel ; elle est sûrement trop réaliste pour cela, mais aussi trop passionnée : "Je voudrais aimer autrement / Hélas ! Je voudrais être heureuse ! / Pour moi l'amour est un tourment").
Bonne journéebisous
marie
ai
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merci danielle pour tes mots déposés sur mon blog je vais au dodo encore tres fatiguée douce soirée et gros bisou monette
très beaux sont tes poèmes choisis bisousss