• Le firmament est plein de la vaste clarté ;
    Tout est joie, innocence, espoir, bonheur, bonté.
    Le beau lac brille au fond du vallon qui le mure ;
    Le champ sera fécond, la vigne sera mûre ;
    Tout regorge de sève et de vie et de bruit,
    De rameaux verts, d'azur frissonnant, d'eau qui luit,
    Et de petits oiseaux qui se cherchent querelle.
    Qu'a donc le papillon ? qu'a donc la sauterelle ?
    La sauterelle à l'herbe, et le papillon l'air;
    Et tous deux ont avril, qui rit dans le ciel clair.
    Un refrain joyeux sort de la nature entière;
    Chanson qui doucement monte et devient prière.
    Le poussin court, l'enfant joue et danse, l'agneau
    Saute, et, laissant tomber goutte à goutte son eau,
    Le vieux antre, attendri, pleure comme un visage ;
    Le vent lit à quelqu'un d'invisible un passage
    Du poëme inouï de la création ;
    L'oiseau parle au parfum; la fleur parle au rayon ;
    Les pins sur les étangs dressent leur verte ombelle ;
    Les nids ont chaud ; l'azur trouve la terre belle,
    Onde et sphère, à la fois tous les climats flottants ;
    Ici l'automne, ici l'été ; là le printemps.
    O coteaux ! ô sillons ! souffles, soupirs, haleines !
    L'hosanna des forêts, des fleuves et des plaines,
    S'élève gravement vers Dieu, père du jour;
    Et toutes les blancheurs sont des strophes d'amour ;
    Le cygne dit: Lumière! et le lys dit: Clémence
    Le ciel s'ouvre à ce chant comme une oreille immense.
    Le soir vient ; et le globe à son tour s'éblouit,
    Devient un oeil énorme et regarde la nuit ;
    Il savoure, éperdu, l'immensité sacrée,
    La contemplation du splendide empyrée,
    Les nuages de crêpe et d'argent, le zénith,
    Qui, formidable, brille et flamboie et bénit,
    Les constellations, ces hydres étoilées,
    Les effluves du sombre et du profond, mêlées
    A vos effusions, astres de diamant,
    Et toute l'ombre avec tout le rayonnement !
    L'infini tout entier d'extase se soulève.
    Et, pendant ce temps-là, Satan, l'envieux, rêve. 

    Victor Hugo


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    Le violon (poème d'amour)
    Le soleil s’est éteint comme une pâle bougie
    Et la nuit, Vestale au cœur chaste et ténébreux
    A chassé le jour, de ses charmes amoureux,
    Qui chantait sous son noir balcon mille élégies.

    La lune, pareille à ces reines langoureuses
    Dont les fers subjuguaient les antiques sultans,
    S’est allongée, lascive, sur son nuage envoûtant
    Répandant le parfum de ses fleurs dangereuses.

    Le ciel, le vaste ciel, bénit nos amours !
    Viens, viens avec moi au pays que je rêve !
    À l’éden enchanté, lumineux comme un glaive
    Où seul le cœur soupire, et où l’esprit est sourd !

    Entends-tu le violon pleurer dans les collines,
    Et de son chant sacré parfumer l’air du soir ?
    Vois-tu les nymphes, dans les lacs profonds et noirs,
    Reposer doucement leurs nudités cristallines ?

    Écoute cette musique qui enivre le cœur !
    Son philtre nous guérit et nous empoisonne,
    C’est un phare qui guide les voiles qui s’abandonnent
    Aux caresses farouches de la mer en fureur ;

    C’est un havre bénit par l’océan des cieux
    Que les anges bercent comme des hirondelles,
    Dont les lumières blanchissent la voûte éternelle
    De l’azur immense et toujours silencieux.

    Viens, ma chère déesse ! Ce monde est un gouffre,
    Où tout n’est que douleur, où tout n’est que tourment
    Suivons ensemble ce son plein d’enchantement
    Qui mène au Royaume de Dieu, où nul ne souffre.

    Partons ! Mon cœur languit de ce pays natal !
    Ce monde est trop grand pour notre solitude,
    Ne songeons qu’à l’amour et à la quiétude
    Et à la terre rose au doux front matinal !

    (Amneris)

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  • Les quatre bougies brûlaient lentement.
    L'ambiance était tellement silencieuse
    qu'on pouvait entendre leur conversation.

    La première dit :
    ''Je suis la Paix ! Cependant personne n'arrive à me maintenir allumée.
    Je crois que je vais m'éteindre". Sa flamme diminua rapidement,
    et elle s'éteignit complètement.

    La deuxième dit :
    ''Je suis la Foi ! Dorénavant je ne suis plus indispensable, cela n'a pas de sens
    que je reste allumée plus longtemps".
    Quand elle eut fini de parler, une brise souffla sur elle et l'éteignit.

    Triste, la troisième bougie se manifesta à son tour :
    ''Je suis l'Amour ! Je n'ai pas de force pour rester allumée.
    Les personnes me laissent de côté et ne comprennent pas mon importance.
    Elles oublient même d'aimer ceux qui sont proches d'eux".
    Et, sans plus attendre, elle s'éteignit.

    Soudain... un enfant entre et voit les trois bougies éteintes.
    ''Pourquoi êtes-vous éteintes ? Vous deviez être allumées jusqu'à la fin''
    En disant cela, l'enfant commença à pleurer.

    Alors, la quatrième bougie parla :
    ''N'aie pas peur, tant que j'ai ma flamme nous pourrons allumer les autres bougies,
    je suis l'Espérance ! ''

    Avec des yeux brillants, l'enfant prit la bougie de l'Espérance... et alluma les autres.

    Que l'Espérance ne s'éteigne jamais en nos cœurs et que chacun de nous
    puisse être l'outil nécessaire pour maintenir l'Espérance, la Foi, la Paix et l'Amour !

    Anonyme

     

    un joli poème sur le Crayon

    Le crayon arabesque aux glissades soudaines
    Se fêle et puis se casse, il a perdu sa mine
    Mais il est retaillé car des marées humaines
    Lui ont redonné vie, et le crayon chemine.

    Il fait des pirouettes pour dénoncer l'infâme
    Il crisse de plus belle sur le papier froissé.
    Retrouvant tout l'esprit qui lui donnait son âme:
    On ne le dompte pas. Il va tout retracer !

    Le crayon à papier a retrouvé sa marche,
    Même s'il n'a pas pied, il nage il court, il vole,
    Sur le blanc de la feuille, noircissant sa démarche.

    Crayon désemparé a depuis, meilleurs mine
    On ne l'a pas tué, ça l'a rendu plus fort,
    Lui reste à travailler, pour honorer ses morts.


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  • En ces jours emplis de violence et de tant de tristesse,

     

    je retrouve ce texte d'un auteur inconnu...

     

    Et je viens vous le partager...

     

    ...

     

    La douceur...

      

    La douceur est la clef qui ouvre les cœurs endurcis.

     

    C’est la qualité de vie qui permet de discerner

     

    quelle est la motivation des actions d’autrui.

     

    .♥.

      

     

     

    Une personne douce est bienveillante, polie, ne se met pas en avant,

     

     

    n’est jamais sarcastique, n’est pas dure ou critique.

     

     

    Elle accepte l’ignorance et les limites d’autrui.

     

     

    .♥. 

      

     

    Une personne douce cède le droit de passage.

     

     

    Elle est raisonnable, juste et indulgente.

     

    .♥.

     

     

    Seuls les forts peuvent être doux...

     

    .♥.

     

     

    Et là je me demande :

     

    "Suis-je suffisamment forte pour être douce ???"

     

     

    Il a dit :

     

    "Sans moi, vous ne pouvez rien faire."

     

    Alors aujourd'hui encore...

     

    Je choisis de mettre mes pas dans les Siens

     

    et de me faire porteuse de Lumière, porteuse d'Espérance, de Vérité,

     

    de Patience...

     

    .♥.

      

    et de Douceur aussi...

     

     

     

    Douce journée à chacun

     

     

    :)))


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  • charlieisahv

    LIBERTE 

    Sur mes cahiers d’écolier

    Sur mon pupitre et les arbres

    Sur le sable sur la neige

    J’écris ton nom

    Sur toutes les pages lues

    Sur toutes les pages blanches

    Pierre sang papier ou cendre

    J’écris ton nom

    Sur les images dorées

    Sur les armes des guerriers

    Sur la couronne des rois

    J’écris ton nom

    Sur la jungle et le désert

    Sur les nids sur les genêts

    Sur l’écho de mon enfance

    J’écris ton nom

    Sur les merveilles des nuits

    Sur le pain blanc des journées

    Sur les saisons fiancées

    J’écris ton nom

    Sur tous mes chiffons d’azur

    Sur l’étang soleil moisi

    Sur le lac lune vivante

    J’écris ton nom

    Sur les champs sur l’horizon

    Sur les ailes des oiseaux

    Et sur le moulin des ombres

    J’écris ton nom

    Sur chaque bouffée d’aurore

    Sur la mer sur les bateaux

    Sur la montagne démente

    J’écris ton nom

    Sur la mousse des nuages

    Sur les sueurs de l’orage

    Sur la pluie épaisse et fade

    J’écris ton nom

    Sur les formes scintillantes

    Sur les cloches des couleurs

    Sur la vérité physique

    J’écris ton nom

    Sur les sentiers éveillés

    Sur les routes déployées

    Sur les places qui débordent

    J’écris ton nom

    Sur la lampe qui s’allume

    Sur la lampe qui s’éteint

    Sur mes maisons réunies

    J’écris ton nom

    Sur le fruit coupé en deux

    Du miroir et de ma chambre

    Sur mon lit coquille vide

    J’écris ton nom

    Sur mon chien gourmand et tendre

    Sur ses oreilles dressées

    Sur sa patte maladroite

    J’écris ton nom

    Sur le tremplin de ma porte

    Sur les objets familiers

    Sur le flot du feu béni

    J’écris ton nom

    Sur toute chair accordée

    Sur le front de mes amis

    Sur chaque main qui se tend

    J’écris ton nom

    Sur la vitre des surprises

    Sur les lèvres attentives

    Bien au-dessus du silence

    J’écris ton nom

    Sur mes refuges détruits

    Sur mes phares écroulés

    Sur les murs de mon ennui

    J’écris ton nom

    Sur l’absence sans désir

    Sur la solitude nue

    Sur les marches de la mort

    J’écris ton nom

    Sur la santé revenue

    Sur le risque disparu

    Sur l’espoir sans souvenir

    J’écris ton nom

    Et par le pouvoir d’un mot

    Je recommence ma vie

    Je suis né pour te connaître

    Pour te nommer

    Liberté.

    Paul Eluard, Au rendez-vous allemand, 1945, Les Editions de Minuit

     


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  • Il tue

    Il est le guerrier des tueries inutiles
    Il est drogué
    de feu
    de sang
    de mort
    Il ne sait pas les caresses
    Il ne sait que la mort à donner
    Il est le guerrier des chemins déviés
    perdus
    tortueux
    qui se pose sur le rocher de la nuit
    Il reste là, assis, et ne songe qu’à tuer
    Il jouit
    de ses souvenirs ensanglantés
    Il est drogué
    à l’opium, à… À tout ce qui drogue
    Il n’est pas anxieux
    Il est vide
    vide de lui-même
    vide de lumière
    Il jouit
    de l’odeur du sang
    Il est peut-être une mauvaise prière
    Il est sans larme
    Il ne sait pas la douleur de mourir
    Il jouit
    de la vengeance
    Il se pose sur le rocher de la nuit
    Et les ténèbres le réjouissent
    Il ne porte pas de médaille d’honneur
    Pas plus qu’un cœur blessé
    Il n’a pas de foi
    Et pourtant il proclame la grandeur de Dieu
    Comme une chouette aveugle
    Il erre parmi les rochers de la nuit.

    Texte inédit en français, traduction Leili Anvar, publié dans Guerre à la guerre, © Bruno Doucey, Collection Poés'idéal, 2014

     


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  • Toute une vie en nous, non visible, circule
    Et s'enchevêtre en longs remous intermittents ;
    Notre âme en est variable comme le temps ;
    Tantôt il y fait jour et tantôt crépuscule,
    Selon de brefs et de furtifs dérangements
    Tels que ceux du feuillage et des étangs dormants.
    Pourquoi ces accès d'ombre et ces accès d'aurore
    Dans ces zones de soi que soi-même on ignore ?
    Qu'est-ce qui s'accomplit, qu'est-ce qui se détruit ?
    Mais, qu'il fasse aube ou soir dans notre âme immobile,
    La même vie occulte en elle se poursuit,
    Comme la mer menant son oeuvre sous une île !

     

    Georges Rodenbach (1855- 1898)


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  •  

    Donc, Balthazar, Melchior et Gaspar, les Rois Mages,
    Chargés de nefs d'argent, de vermeil et d'émaux
    Et suivis d'un très long cortège de chameaux,
    S'avancent, tels qu'ils sont dans les vieilles images.

    De l'Orient lointain, ils portent leurs hommages
    Aux pieds du fils de Dieu, né pour guérir les maux
    Que souffrent ici-bas l'homme et les animaux ;
    Un page noir soutient leurs robes à ramages.

    Sur le seuil de l'étable où veille saint Joseph,
    Ils ôtent humblement la couronne du chef
    Pour saluer l'Enfant qui rit et les admire.

    C'est ainsi qu'autrefois, sous Augustus Caesar,
    Sont venus, présentant l'or, l'encens et la myrrhe,
    Les Rois Mages Gaspar, Melchior et Balthazar.

    José-Maria de Hérédia


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  •  

    Pour le moment

     

    La vie est simple et gaie

    Le soleil clair tinte avec un bruit doux

    Le son des cloches s'est calmé

    Ce matin la lumière traverse tout

    Ma tête est une rampe allumée

    Et la chambre où j'habite est enfin éclairée

    Un seul rayon suffit

    Un seul éclat de rire

    Ma joie qui secoue la maison

    Retient ceux qui voudraient mourir

    Par les notes de sa chanson

    Je chante faux

    Ah que c'est drôle

    Ma bouche est ouverte à tous les vents

    Lance partout des notes folles

    Qui sortent je ne sais comment

    Pour voler vers d'autres oreilles

    Entendez je ne suis pas fou

    Je ris au bas de l'escalier

    Devant la porte grande ouverte

    Dans le soleil éparpillé

    Au mur parmi la ligne verte

    Et mes bras sont tendus vers vous

    C'est aujourd'hui que je vous aime

     

    Pierre Reverdy

     

     

     

    Chasser les mauvaises humeurs...

    Ne pas se laisser atteindre par le pessimisme ambiant...

    Sourire à la vie même 

    si elle ne nous sourit pas...

     

    Ne rien exiger, ne rien attendre, 

    mais prendre tout, 

    les grands moments, les petits instants,

    les sourires, les baisers volés, 

    les couchés de soleil, 

    les matins (difficiles ou aériens),

     les jours de pluies, les jours de larmes, 

    mais tous les jours... 

    Prendre les gens comme ils sont...

    ou pas...

    car ceux là, je crois, ne changent pas...

     

     

     

    La nuit n'est jamais complète.

    Il y a toujours puisque je le dis,

    Puisque je l'affirme,

    Au bout du chagrin une fenêtre ouverte,

    Une fenêtre éclairée.

    Il y a toujours un rêve qui veille,

    Désir à combler, faim à satisfaire,

    Un cœur généreux,

    Une main tendue, une main ouverte,

    Des yeux attentifs,

    Une vie, la vie à se partager.

    Paul Eluard

     

     

     


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    Tu viens de naître et tu es devant moi comme une fiancée.
    Nous resterons ensemble toute une vie, la tienne, qui est de quatre saisons.
    Tu es enfouie dans ton berceau de vent et de neige,
    Mais tu souris dans tes larmes et chantes en vagissant.
    Bientôt le souffle obscur de germinal te fera sortir des limbes terrestres
    Et tu te couronneras de printemps.
    Tu es pareille à tes sœurs, à tes innombrables sœurs mortes.
    Et pourtant, tu n’es semblable à aucune d’elles, puisque tu vis devant moi.
    A peine née, tu es grosse d’espoirs et lourde de certitudes.
    Tu portes dans ton sein la bénédiction des douze mois.
    En toi, je reconnais le sourire de Dieu, ineffablement posé sur les choses.
    En toi je pressens le flot merveilleux des possibilités.
    Tu m’apparais comme l’opulente et inépuisable corne d’abondance,
    Avec tes rires, tes pleurs, tes dons et tes refus.
    Quoi que tu m’apportes je l’accepte, d’une âme reconnaissante.
    Quoi que tu renfermes, je l’admets comme un présent de l’Esprit.
    Dussé-je me piquer les doigts, j’extrairai l’amande de la vie,
    Qu’une triple écorce protège de l’incompréhension.
    Trois cent soixante -cinq jours à venir, trois cent soixante-cinq prières…
    Trois cent soixante-cinq actes de foi.
    Foi en Toi, Esprit. Foi en toi, Univers. Foi en toi, Nature.
    Foi en mes frères et dans les choses. Foi en toi la Vie et en moi.
    Je veux m’étendre sur l’année qui vient comme sur un lit d’espérance.
    Ô ma jonchée de roses, je te touche avec mes narines
    Et je te caresse avec mes yeux.
    Ainsi je ne garderai que ta beauté et ton parfum et j’ignorerai tes épines,
    Année mystique, année sans tache, année du renouveau spirituel.
    (G. Barbarin)


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  • Sous le gui...

     

    Me voici ici...

     de passage sous le gui,

    pour vous embrasser pour cette nouvelle année...

     

     

     

     

    Pour vous souhaiter le meilleur bien sûr...

    Le Bonheur...

    chacun le sien...

    si si il y en a pour tout le monde...

    des petits,des gros,des grands, des fugaces.. 

    Il faut les cultiver...les récolter...les chouchouter... 

    et les partager...

     

     

     

    Bises...

    Tous mes voeux...

     

     

     

     Sans oublier une meilleure santé à tous.


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  • Année finissante, je te vois mourir sans regret.
    Tu ne fus qu’un échelon de ma vie, un degré de mon ascension.
    Je te bénis cependant, pour ce que tu m’as apporté de luttes et de pensées,
    D’efforts et de compréhensions.
    Je n’étais attaché à toi que dans la mesure de mes découvertes,
    Comme le voyageur s’intéresse aux bornes successives de son chemin.
    Je ne ferai pas mon bilan, de peur de sous-estimer mes bénéfices.
    Quel que soit mon passé, je suis sûr qu’il m’a servi.
    Je veux ignorer l’erreur des cinquante-deux semaines écoulées
    Pour n’en retenir que la progression.
    Je suis plus vieux d’un an dans le domaine des choses qui se voient.
    Je suis plus jeune d’un an dans le domaine des choses qui ne se voient pas.
    Un an de plus, dit-on, à l’opposé de la vie.
    Un an de plus, dirais-je, à l’opposé de la mort.
    Chaque jour m’éloigne du temps de mon entrée dans la chair,
    Chaque jour me rapproche du temps de ma véritable naissance.
    Un morceau de passé disparaît qui me cachait le présent.
    Je te rends grâce, ô Père, de la route que Tu m’as donnée.
    J’ai fini par comprendre qu’on T’approchait en marchant.
    Rien ne sert de se proposer un but si celui-ci n’est pas Toi, ô Père.
    Mais Tu n’as pas de direction, puisque Tu es sans limite.
    Et que m’importe où je vais ?
    Puisque je sais qu’il suffit de cheminer en Ton nom,
    C’est -à-dire de poser ses pieds l’un devant l’autre,
    Pour être sûr de Te trouver, en haut comme en bas, en long comme en large,
    A l’est, à l’ouest, au nord et au sud.
    (G.Barbarin)


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    Je suis le vent joyeux, le rapide fantôme
    Au visage de sable, au manteau de soleil.
    Quelquefois je m’ennuie en mon lointain royaume ;
    Alors je vais frôler du bout de mon orteil
    Le maussade océan plongé dans le sommeil.
    Le vieillard aussitôt se réveille et s’étire
    Et maudit sourdement le moqueur éternel
    L’insoucieux passant qui lui souffle son rire
    Dans ses yeux obscurcis par les larmes de sel.
    À me voir si pressé, l’on me croirait mortel :
    Je déchaîne les flots et je plonge ma tête
    Chaude encor de soleil dans le sombre élément
    Et J’enlace en riant ma fille la tempête ;
    Puis je fuis. L’eau soupire avec étonnement :
    — C’était un rêve, hélas ! — Non, c’était moi, le Vent !
    Ici le golfe invite et cependant je passe ;
    Là-bas la grotte implore et je fuis son repos ;
    Mais, poète ! comment ne pas aimer l’espace,
    L’inlassable fuyard qu’on ne voit que de dos
    Et qui fait écumer nos sauvages chevaux !
    Il n’est rien ici-bas qui vaille qu’on s’arrête
    Et c’est pourquoi je suis le vent dans les déserts
    Et le vent dans ton cœur et le vent dans ta tête ;
    Sens-tu comme je cours dans le bruit de tes vers
    Emportant tes désirs et tes regrets amers ?
    Les amours, les devoirs, les lois, les habitudes
    Sont autant de geôliers ! Avec moi viens errer
    À travers les Saanas des chastes solitudes !
    Viens, suis-moi sur la mer, car je te veux montrer
    Des ciels si beaux, si beaux qu’ils te feront pleurer
    Et des morts apaisés sur la mer caressante
    Et des îles d’amour dont le rivage pur
    Est comme le sommeil d’un corps d’adolescente
    Et des filles qui sont comme le maïs mûr
    Et de mystiques tours qui chantent dans l’azur.
    Tu n’interrompras point cette course farouche ;
    Tu fuiras avec moi sans t’arrêter jamais ;
    La vie est une fleur qui meurt dès qu’on la touche
    Et ceux-là seuls, hélas, sont les vrais bien-aimés
    Oui se fanent trop tôt sous nos regards charmés.
    Ici j’éteins le ciel, plus loin je le rallume ;
    Quand ce monde d’une heure a perdu son attrait
    Je souffle : le réel s’envole avec la brume
    Et voici qu’à tes yeux éblouis apparaît
    L’arc-en-ciel frais éclos sur la jeune forêt !
    — Un jour tu me crieras : « Je suis las de ce monde
    Oui meurt et qui renaît ; je voudrais sur le sein
    De quelque noble vierge apaisante et féconde
    Endormir pour longtemps le stérile chagrin
    De ce cœur enivré de tempête et de vin ! »
    Alors je soufflerai, rieur, sur ton visage
    Du pur soleil d’automne et sur l’esquif errant
    Le frisson vaporeux des pourpres du naufrage ;
    Et l’aube te verra dormir profondément
    Sur le sein de la mer illuminé de vent !

    O.V. de L. MILOSZ (1877-1939), Les Éléments, in Poésies, tome 2, André Silvaire.

     


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    Dans les nuits d’automne, errant par la ville,
    Je regarde au ciel avec mon désir,
    Car si, dans le temps qu’une étoile file,
    On forme un souhait, il doit s’accomplir.

    Enfant, mes souhaits sont toujours les mêmes :
    Quand un astre tombe, alors, plein d’émoi,
    Je fais de grands voeux afin que tu m’aimes
    Et qu’en ton exil tu penses à moi.

    A cette chimère, hélas ! je veux croire,
    N’ayant que cela pour me consoler.
    Mais voici l’hiver, la nuit devient noire,
    Et je ne vois plus d’étoiles filer.

    François Coppée, L’Exilée (1877)


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  • Noël du clochard

     

    Dans une glacière , vous posez

    Une boite de soupe rechauffée

    Un morceau de canard laqué

    Un guignon de pain frais

    Une bouteille de vin rosé

    Un bon thermos de café

    Une enveloppe avec un petit billet

      

    Vous sortez dans la rue glacée

    Et vous chercher un clochard caché

    Sous une pile de cartons compressés

    Ou il s'est recroquevillé

    Offrez lui votre cadeau bien chaud

    Il ne pourra vous dire aucun mot

    Mais une petit larme coulera

    Pour s'écraser bien plus bas

    Son sourire vous suffira

      

    Vous vous sentirez léger

    D'avoir fait ce bienfait

    C'est le jour de Noel

    Vous lui avez apporté le soleil

     

     


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  • Les Provençaux apportaient au foyer le joyeux cariguié, ou vieux tronc d'olivier choisi pour brûler toute la nuit; ils s'avançaient solennellement en chantant les paroles suivantes : Caclio fio. Cache le feu (ancien).
    Bouto fio. Allume le feu (nouveau).
    Dieou nous allègre. Dieu nous comble d'allégresse !

    Le plus ancien de la famille arrosait alors ce bois, soit de lait, soit de miel, en souvenir de l'Eden, dont l'avènement de Jésus est venu réparer la perte, soit de vin, en souvenir de la vigne cultivée par Noé, lors de la première rénovation du monde. Le plus jeune enfant de la maison prononçait, à genoux, ces paroles que son père lui avait apprises :
    " O feu, réchauffe pendant l'hiver les pieds frileux des petits orphelins et des vieillards infirmes, répands ta clarté et ta chaleur chez les pauvres et ne dévore jamais l'étable du laboureur ni le bateau du marin. "

    Cette scène si touchante de la bûche de Noël occupe toute une salle du musée d'Arles ; en voici la description : Neuf mannequins de grandeur naturelle sont groupés autour de la cheminée dans laquelle flambe la bûche de Noël. La première personne de gauche est l'aïeul, en costume du dix-huitième siècle. Il arrose, il bénit la bûche avec, du vin cuit et prononce les paroles sacramentelles. Cette formule renferme tout à la fois une prière et d'heureux souhaits pour toute la famille, debout devant la table chargée des plats réglementaires.

    Alègre ! Alègre ! Dieu nous alègre.
    Calendo ven, tout ben ven
    E se noun sian pas mai, que noun fuguen men !
    Dieu vous fague la graci de veire l'an que ven.

    Dieu nous tienne en joie ; Noël arrive, tout bien arrive ! Que Dieu nous fasse la grâce de voir l'année prochaine, et si nous ne sommes pas plus nombreux, que nous ne soyons pas moins ! "

    En face, assise, l'aïeule file sa quenouille. Derrière elle, le fermier, aîné des garçons, dit lou Pelot, s'appuie sur la cheminée, ayant sa femme vis-à-vis. A coté du Pelot, sa jeune sœur, souriante et rêveuse ; elle s'entretient avec lou rafi (valet de ferme). Près de la table, à gauche, l'aînée des filles prépare le repas, tandis qu'au fond le guardian, armé de son trident, et le berger avec son chien, se préparent à assister au festin familial. Une jeune enfant écoute religieusement la bénédiction du grand-père (benedicioun d'ou cacho-fio) (Le Museon Arlaten, par Jeanne de Flandreysy).

    Mistral, quand il fut nommé membre de l'Académie marseillaise, en cette langue provençale si colorée, qu'il parle si bien, nous a donné, dans son discours, un tableau pittoresque de cette scène ravissante de la bûche de Noël :
    " Au bon vieux temps, la veille de Noël, après le grand repas de la famille assemblée, quand la braise bénite de la bûche traditionnelle, la bûche d'olivier blanchissait sous les cendres et que l'aïeul vidait, à l'attablée, le dernier verre de vin cuit, tout à coup, de la rue déjà dans l'ombre et déserte, on entendit monter une voix angélique, chantant par là-bas, au loin dans la nuit. "

    Et le poète nous conte alors une légende charmante, celle de la Bonne Dame de Noël qui s'en va dans les rues, chantant les Noëls de Saboly à la gloire de Dieu, suivie par tout un cortège de pauvres gens, miséreux des champs et des villes, gueux de campagne, etc., accourus dans la cité en fête.

    " Et vite alors, tandis que la bûche s'éteignait peu à peu, lançant ses dernières étincelles, les braves gens rassemblés pour réveillonner ouvraient leurs fenêtres, et la noble chanteuse leur disait : " Braves gens, le bon Dieu est né, n'oubliez pas les pauvres ! " Tous descendaient alors avec des corbeilles de gâteaux, et de nougats - car on aime fort le nougat dans le Midi - et ils donnaient aux pauvres le reste du festin ".

    Comment résister au désir que nous avons depuis longtemps de publier la bûche de Noël de Frédéric Mistral qui a bien voulu correspondre avec nous et nous donner des renseignements si intéressants sur les coutumes de Noël.

    Cette description si gracieuse, si poétique, faisait primitivement partie du poème de Mireille : l'auteur a cru devoir la supprimer pour éviter les longueurs. (Il faut être bien puissant et bien sûr de soi pour négliger un tel tableau ou le reléguer dans les bas côtés de son œuvre. Lisons, relisons la traduction de ces beaux vers. Quelle naïveté ! Quelle beauté simple et pieuse ! Quelle rusticité pleine de saveur! De plus, quelle noblesse fière ! Oui, c'est ainsi que doit être sauvée Pâme d'un peuple et maintenue la haute tradition d'un pays. Chaque stance est soutenue par un souffle divin (X***)).

     

    " Ah ! Noël, Noël, où est ta douce paix ? Où sont les visages riants des petits enfants et des jeunes filles ? Où est la main calleuse et agitée du vieillard qui fait la croix sur le saint repas ?

    " Alors le valet qui laboure quitte le sillon de bonne heure, et servantes et bergers décampent, diligents. Le corps échappé au dur travail, ils vont à leur maisonnette de pisé, avec leurs parents, manger un cœur de céleri et poser gaiement la bûche au feu avec leurs parents.

    Du four, sur la table de peuplier, déjà le pain de Noël arrive, orné de petits houx, festonné d'enjolivures. Déjà s'allument trois chandelles neuves, claires, sacrées, et dans trois blanches écuelles germe le blé nouveau, prémice des moissons.

    Un noir et grand poirier sauvage chancelait de vieillesse. L'aîné de la maison vient, le coupe par le pied, à grands coups de cognée, l'ébranlé et, le chargeant sur l'épaule, près de la table de Noël, il vient aux pieds de son aïeul le déposer respectueusement.

    Le vénérable aïeul d'aucune manière ne veut renoncer à ses vieilles modes. 11 a retroussé le devant de son ample chapeau, et va, en se hâtant, chercher la bouteille. H a rois sa longue camisole de cadis blanc, et sa ceinture, et ses braies nuptiales, et ses .guêtres de peau.

    Cependant, toute la famille autour de lui joyeusement s'agite... - " Eh bien? Posons-nous la bûche, enfants ? - " Allégresse ! Oui ". Promptement, tous lui répondent : " Allégresse. " - Le vieillard s'écrie : " Allégresse ! Que notre Seigneur nous emplisse d'allégresse ! Et si une autre année nous ne sommes pas plus, mon Dieu, ne soyons pas moins ! "

    Et, remplissant le verre de clarette devant la troupe souriante, il en verse trois fois sur l'arbre fruitier. Le plus jeune prend l'arbre d'un côté, le vieillard de l'autre, et sœurs et frères, entre les deux, ils lui font faire ensuite trois fois le tour des lumières et le tour de la maison.

    Et dans sa joie, le bon aïeul élève en l'air le gobelet de verre : " 0 feu, dit-il, feu sacré, fais que nous ayons du beau temps ! "

    Bûche bénie, allume le feu ! Aussitôt, prenant le tronc dans leurs mains brunes, ils le jettent entier dans l'âtre vaste. Vous verriez alors gâteaux à l'huile et escargots dans l'aïoli heurter dans ce beau festin vin cuit, nougat d'amandes et fruits de la vigne.

    D'une vertu fatidique vous verriez luire les trois chandelles, vous verriez des esprits jaillir du feu touffu, du lumignon vous verriez pencher la branche vers celui qui manquera au banquet, vous verriez la nappe rester blanche sous un charbon ardent et les chats rester muets ! 


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  •  

    Voici en quels termes Marchangy (1782-1826) parle de cet usage en Normandie : Le père de famille, accompagné de ses fils et de ses serviteurs, va à l'endroit du logis où, l'année précédente, à la même époque, ils avaient mis en réserve les restes de la bûche de Noël. Ils rapportent solennellement ces tisons qui, dans leur temps, avaient jeté de si belles flammes à rencontre des faces réjouies des convives. L'aïeul les pose dans ce foyer qu'ils ont connu et tout le monde se met à genou en récitant le Pater. Deux forts valets de ferme apportent lentement la bûche nouvelle, qui prend date, comme dans une dynastie. On dit la bûche 1ere, la bûche 2e, la 20e, la 30e, ce qui signifie que le père de famille a déjà présidé une fois, deux fois, vingt fois, trente fois semblable cérémonie.

    La bûche nouvelle est toujours la plus grosse que le bûcheron puisse trouver dans la forêt, c'est la plus forte partie du tronc de l'arbre ou, le plus souvent, c'est la masse de ses énormes racines, qu'on appelle la souche ou la coque de Noël.
    A l'instant où l'on y met le feu, les petits enfants vont prier dans un coin de l'appartement, afin, leur dit-on, que la souche leur fasse des présents, et, tandis qu'ils prient, on met à chaque bout de cette souche des paquets d'épices, de dragées et de fruits confits. Qu'on juge de l'empressement et de la joie des enfants à venir recevoir de pareils présents !

    De nos jours, l'usage de la bûche de Noël tend à disparaître des pays normands.

     

    Longtemps, les pauvres gens des campagnes, en attendant l'heure de la messe de minuit, ont dû se réchauffer autour de l'énorme bûche éclairant de sa lumière flamboyante la compagnie réunie sous la hotte de la cheminée. C'est assis, devant son brasier, qu'on restait jusqu'au moment où, à travers champs, on allait gagner la pauvre église où devait se célébrer la Messe des bergers. C'est devant l'âtre rougeoyant qu'on se racontait toutes ces légendes merveilleuses de Noël, toutes ces traditions qui, contées par la voix tremblante des aïeules, se sont transmises jusqu'à nos jours : et les pierres tournantes, comme celles de Gerponville, de Saint-Arnoult, de Malle-mains, qui tournent sept fois pendant la nuit de Noël ; et les trésors qui ne se découvrent que lorsqu'on sonne le premier coup delà messe nocturne ; et les feux follets qui dansent pendant la nuit sur les tombes du cimetière et bien d'autres contes fantastiques (G. Dubosc. Journal de Rouen, 25 décembre 1898).


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  • En Berry, elle s'appelle cosse de Nau (cosse = souche) et quelquefois tréfoué, trouffi.au, trufau (trois fois).
    Les forces réunies de plusieurs hommes sont nécessaires pour apporter et mettre en place la cosse de Nau, car c'est ordinairement un énorme tronc d'arbre destiné à alimenter la cheminée pendant les trois jours que dure la fête de Noël.
    A l'époque de la féodalité, plus d'un fief a été donné, à la charge, par l'investi, de porter, tous les ans, la cosse de Nau au foyer du suzerain (BOUTAMC, Traité des drois seigneuriaux, p. 645).

    La cosse de Nau doit, autant que possible, provenir d'un chêne vierge de tout élagage et qui aura été abattu à minuit. On le dépose dans l'âtre, au moment où sonne la messe nocturne, et le chef de famille, après l'avoir aspergé d'eau bénite, y met le feu.
    C'est sur les deux extrémités de la bûche ainsi consacrée que les mères et surtout les aïeules se plaisent à disposer les fruits, les gâteaux et les jouets de toute espèce auxquels les enfants feront, à leur réveil, un si joyeux accueil. Comme on a fait croire à ceux qui pleuraient pour aller à la messe de minuit, qu'on les mènerait à la messe du cossin blanc - c'est-à-dire qu'on les mettrait au lit, - on ne manque jamais, le lendemain matin, de leur dire que, tandis qu'ils assistaient à cette messe mystérieuse, toutes ces belles et bonnes choses ont été déposées là, à leur intention, par le petit Naulet (Le petit Jésus, Naulet, Noëlet, enfant de Noël).

    On conserve ces débris de la cosse de Nau d'une année à l'autre : ils sont recueillis et mis en réserve sous le lit du maître de la maison. Toutes les fois que le tonnerre se fait entendre, on en prend un morceau que l'on jette dans la cheminée, et cela est suffisant pour protéger la famille contre le feu du temps, c'est-à-dire contre la foudre (Laisnel de La Salle, tom. I, p. 1 et suiv).

    " Dans quelques vieilles maisons de notre Berry, je cherchais à m'expliquer pourquoi l'un des deux grands chenets en fer forgé était d'une seule pièce, tandis que l'autre se démontait en deux pièces par le simple emboîtement de la branche verticale sur la branche horizontale et formait, de cette manière, un simple tréteau : une octogénaire m'en a donné l'explication suivante : Dans mon jeune temps, la veille de Noël, on choisissait pour le truffiau (tréfeu) le tronc d'un arbre assez gros pour qu'on fût obligé de le faire traîner par un cheval, et les chenets étaient ainsi faits pour pouvoir le hisser plus facilement.
    On posait l'une des extrémités sur le grand chenet et l'on faisait glisser latéralement l'autre extrémité sur le chenet démonté, à l'aide de leviers, car cette bûche atteignait très souvent deux ou trois mètres de long sur un mètre de circonférence. On se servait le plus souvent de trognards que l'on rencontre encore beaucoup dans nos haies : le bois fendu était rigoureusement exclu. La longueur de ces bûches explique la forme de ces cheminées géantes d'autrefois " (H.-G., d'Henrichemont, Cher).

    Dans l'Orléanais, province voisine du Berry, existaient à peu près les mêmes usages.

    La ménagère plaçait dans le foyer, au milieu d'un épais lit de cendres, et enguirlandée de branches de bruyère ou de genièvre, la plus forte souche du bûcher. C'était ordinairement une énorme culée de chêne.

    Dans la Beauce et le val Orléanais (rive gauche de la Loire), cette bûche se nomme, selon les localités, tréfoy, trifoué ou trifouyau.

    Le moment de déposer, dans l'âtre nettoyé avec soin, la bûche traditionnelle variait selon les pays. Ici on la plaçait aux premiers coups de la cloche annonçant l'office de la nuit, là on atténuait l'instant où la cloche sonnait la voir Dieu, c'est-à-dire l'élévation de la messe de minuit. C'était le grand-père, quelquefois le plus jeune enfant qui, après l'avoir aspergé d'eau bénite, y mettait le feu en se signant et en prononçant à haute voix : In nomine Patres et Filii, et Spiritus Sancti. Amen!
    Le tréfoué devait brûler, sans flamme, l'espace de trois jours, afin d'entretenir une constante et douce chaleur dans la chambre où se réunissaient, avant et après les ofiices mais principalement avant et après la messe de minuit, tous les membres de la famille. Cependant la bûche de Noël se consumait lentement. Les fêtes terminées, on recueillait les restes du tréfoué et on les conservait d'une année à l'autre.

     

     


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  • La bûche de Noel en Bretagne

     

     

    En Bretagne, la plus grande fête de l'année était la fête de Noël, et ce que nous, pauvres paysans, nous aimions le plus dans cette fête, c'était la Messe de minuit. Maigre plaisir, pour vous autres citadins qui aimez vos aises ; mais qu'était-ce pour nous, paysans, qu'une nuit blanche?
    Même quand il fallait cheminer dans la boue et sous la neige, pas un vieillard, pas une femme n'hésitait. On ne connaissait pas encore les parapluies à Saint-Jean-Brévelay, ou du moins on n'y connaissait que le nôtre, qui était un sujet d'étonnement et d'admiration. Les femmes retroussaient leurs jupes avec des épingles, mettaient un mouchoir à carreaux par- dessus leurs coiffes, et partaient bravement dans leurs sabots pour se rendre à la paroisse. Il s'agissait bien de dormir !

    Personne ne l'aurait pu. Le carillon commençait dès la veille après l'Angélus du soir, et recommençait de demi-heure en demi-heure jusqu'à minuit ! Et pendant ce temps-là, pour surcroît de béatitude, les chasseurs ne cessaient pas de tirer des coups de fusil en signe d'allégresse ; mon père fournissait la poudre. C'était une détonation universelle. Les petits garçons s'en mêlaient, au risque de s'estropier, quand ils pouvaient mettre la main sur un fusil ou un pistolet.
    Le presbytère était à une petite demi-lieue du bourg ; le recteur faisait la course sur son bidet, que le quinquiss (le bedeau) tenait par la bride. Une douzaine de paysans l'escortaient, en lui tirant des coups de fusil aux oreilles. Cela ne lui faisait pas peur, car c'était un vieux chouan, et il avait la mort de plus d'un bleu sur la conscience. Avec cela, bon et compatissant, et le plus pacifique des hommes, depuis qu'il portait la soutane, et que le roi était revenu.

    On faisait ce soir-là de grands préparatifs à la maison. Telin-Charles et Le Halloco mesuraient le foyer et la porte de la cuisine d'un air important, comme s'ils n'en avaient pas connu les dimensions depuis bien des années. Il s'agissait d'introduire la bûche de Noël, et de la choisir aussi grande que possible. On abattait un gros arbre pour cela ; on attelait quatre bœufs, on la traînait jusqu'à Kerjau (c'était le nom de notre maison), on se mettait à huit ou dix pour la soulever, pour la porter, pour la placer : on arrivait à grand-peine à la faire tenir au fond de l'âtre ; on l'enjolivait avec des guirlandes ; on l'assurait avec des trônes de jeunes arbres ; on plaçait dessus un gros bouquet de fleurs sauvages, ou pour mieux dire de plantes vivaces. On faisait disparaître la table du milieu ; la famille mangeait un morceau sur le pouce. Les murs étaient couverts de nappes et de draps blancs, comme pour la Fête-Dieu ; on y attachait des dessins de ma sœur Louise et de ma sœur Hermine, la bonne Vierge, l'Enfant Jésus.

    Il y avait aussi des inscriptions : Et homo factus est ! On ôtait toutes les chaises pour faire de la place, nos visiteuses n'ayant pas coutume de s'asseoir autrement que sur leurs talons. Il ne restait qu'une chaise pour ma mère, et une tante Gabrielle, qu'on traitait avec déférence et qui avait quatre-vingt-six ans. C'est celle-là, mes enfants, qui savait des histoires de la Terreur ! Tout le monde en savait autour de moi, et mon père, plus que personne, s'il avait voulu parler. C'était un bleu, et son silence obstiné était peut-être conseillé par la prudence, dans un pays où il n'y avait que des chouans.

    L'encombrement était tel dans la cuisine, tout le monde voulant se rendre utile et apporter du genêt, des branches de sapin, des branches de houx, et le bruit était si assourdissant, à cause des clous qu'on plantait et des casseroles qu'on bousculait, et il venait un tel brait du dehors, bruits de cloches, de coups de fusil, de chansons, de conversations et de sabots, qu'on se serait cru au moment le plus agité d'une foire.

     

    A onze heures et demie, on entendait crier dans la rue : Naoutrou Personn ! Naoutrou Personn ! (M. le recteur, M. le recteur). On répétait ce cri dans la cuisine, et à l'instant tous les hommes en sortaient ; il ne restait que les femmes avec la famille. Il se faisait un silence profond. Le recteur arrivait, descendait de son bidet que je tenais par la bride (c'est-à-dire que j'étais censé le tenir, mais on le tenait pour moi ; il n'avait pas besoin d'être tenu, le pauvre animal). A peine descendu, M. Moizan montait les trois marches du perron, se tournait vers la foule découverte, ôtait lui-même son chapeau, et disait, après avoir fait lé signe de la croix: Angélus Domini nuntiavit Mariae ". Un millier de voix lui répondaient.

    La prière finie, il entrait dans la maison, saluait mon père et ma mère avec amitié, M. Ozon, le maire, qui venait d'arriver de Pénic-Pichou, et M. Ohio, le maréchal ferrant, qui était greffier du juge de paix. M. Ozon, M. Ohio étaient les plus grands seigneurs du pays. Ils savaient lire ; ils étaient riches, surtout le premier. On offrait au recteur un verre de cidre qu'il refusait toujours.

    Il partait au bout de quelques minutes, escorté par M. Ozon et M. Ohio, puis, aussitôt, on se disposait à bénir la bûche de Noël. C'était l'affaire de dix minutes. Mon père et ma mère se tenaient debout à gauche de la cheminée. Les femmes que leur importance ou leurs relations avec la famille autorisaient à pénétrer dans le sanctuaire, ce qui veut dire ici la cuisine, étaient agenouillées devant le foyer en formant un demi-cercle.

    Les hommes se tenaient serrés dans le corridor, dont la porte restait ouverte, et débordaient dans la rue jusqu'au cimetière. De temps en temps, une femme, qui avait été retenue par quelques soins à donner aux enfants, fendait les rangs qui s'ouvraient devant elle, et venait s'agenouiller avec les autres. Tante Gabrielle, revêtue de sa mante, ce qui annonçait un grand tralala, était à genoux au milieu, juste en face de la bûche, ayant à côté d'elle un bénitier et une branche de buis, et elle entonnait un cantique que tout le monde répétait en chœur.

    Vraiment, si j'en avais retenu les paroles, je ne manquerais pas de les consigner ici ; je les ai oubliées, je le regrette ; non pas pour vous, qui êtes trop civilisés pour vous plaire à ces souvenirs, mais pour moi. Et, après tout, je n'ai que faire de la chanson de tante Gabrielle, puisque je ne sais plus un mot de bas-breton. L'air était monotone et plaintif, comme tout ce que nous chantons chez nous à la veillée ; il y avait pourtant un crescendo, au moment où la bénédiction allait commencer, qui me donnait ordinairement la chair de poule…



    Jules SIMON.


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  • Origine du mot "crèche"

    Dans l'évangile de Luc, l'endroit où est déposé Jésus à sa naissance est désigné par le mot de mangeoire, qui se dit "cripia" en latin, d'où est issu le mot "crèche". Par extension, la crèche s'apparente à l'étable toute entière. Il semble que la naissance de Jésus ait eu lieu dans une grotte aménagée en étable, comme il en existait beaucoup en Palestine à cette époque.

    Dès le IIIe siècle, les chrétiens vénèrent une crèche dans une grotte de Bethléem, supposée être le véritable lieu témoin de la Nativité.

    Au Moyen Age, les pièces de théâtres et les représentations scéniques étaient très appréciées en Europe. Elles étaient en général assez crues, animées et équivoques. Les débordements qui les entouraient étaient incontrolables. Leur contenu, symbolique, puisait souvent dans les traditions et les rites païens.

    Au lieu d'interdire formellement ces pratiques païennes, l'Eglise tenta de leur opposer des pièces et tableaux vivants qui avaient pour thème principal la naissance du Sauveur selon les données des Evangiles de Matthieu et de Luc.

    Ces pièces étaient jouées au cours de la célébration lithurgiques pour la rendre plus présente aux yeux des fidèles et attiser la foi.

    Les premières crèches ressemblant à celles que nous connaissons font leur apparition dans les églises au XVIe siècle.

    Conscient du pouvoir de ces compositions, les Jésuites réalisent des crèches d'église, notamment à Prague en 1562, qui figurent parmi les plus anciennes connues.

    Progressivement les crèches entrent dans le maisons. Elles sont d'abord constituées de petites figurines de verre filé de Nevers, de porcelaine, de cire, de mie de pain ou de bois sculpté.

    Crèche provençale

    En France, l'interdiction, faite pendant la Révolution de présenter en public des scènes religieuses, favorise le développement des crèches domestiques et le commerce des petits personnages parmi lesquels des bergères aux joues roses en costume du XVIIIe siècle.

    Puis au fur et à mesure, les crèches s'inspirent de la vie locale. Dans un style naïf, les artisans évoquent des personnages typiques de la région ou du village ou des défunts de la famille.

    A partir du XIXe siècle, la crèche provencale devient la plus populaire.

    Elle finit par repésenter tous les métiers de l'époque en costume local des années 1820 à 1850.

    Ces petits santons rappelle la simplicité orginelle de la grotte de Bethléem.

    Le nom des santons vient du provençal "santoun" qui signifie "petit saint".

    Les personnages étaient alors façonnés avec de la mie de pain séchée, puis peints à l'huile et au vernis.

    Depuis le début du XIXe siècle, les santonniers se transmettent de père en fils leur art populaire dans le respect des traditions.

    Santon Carbonel

    De grandes marques se distinguent avec leur propre style et leur palette de couleurs : les ateliers Marcel Carbonel et les santons de Mireille Fouque.
    Le matériau utilisé est l'argile locale de Marseille ou d'Aubagne, de couleur rouge.
    Le plastique, le plomb ou le plâtre sont proscrits.
    Marseille est capitale santonnière depuis 1803.

     

    La tradition des crèches s'est développée dans le monde entier : crèche africaine en bois, asiatiques avec un petit Jésus aux yeux bridés, certaines sont même en argent en Roumanie.

    En Amérique Latine, on compte autant de crèche que de village. Elles sont en bois, en terre cuite, en pâte à sel ou même en sucre

    Les crèches baroques

    Au XVIIe siècle, les crèches quittent les églises pour décorer les fastueuses demeures aristocratiques de style baroque.

    Dans ce domaine les crèches produites à Naples restent un modèle du genre.

    Elles sont riches, élégantes et sont très demandées dans toute l'Europe au XVIIIe jusqu'au milieu du XIXe siècle.

    Les crèches napolitaines

    Le raffinement atteint son apogée avec les crèches napolitaines dans lesquels tous les personnages sont richement ornés.

    C'est en Italie, entre le XVe et le XVIe siècle, qu'apparaissent les premières crèches au sens moderne du terme. Leurs personnages sont des statues colorées, parfois même atteignant la taille humaine.

    C'est la ville de Naples qui se distingue par ses crèches : à plusieurs niveaux avec une grande diversité de personnages.

    Les personnages sont faits d'étoupe armé de fil de fer puis revêtus de riches étoffes. Les visages sont en terre cuite peintes, les yeux en verre.

    Où, quand, comment installer sa crèche ?

    Il est d'usage d'installer sa crèche le 1er dimanche de l'Avent, ou pour la Saint Nicolas
    ou pour le dernier dimanche avant Noël.
    Il faut lui trouver une place de choix dans la maison, puis aménager un décor qui la mette en valeur.

    Adossée au mur, quelques bûches de bois, de grosses pommes de pin, de la mousse, de la paille, des cailloux blancs ramassés à la plage, composent un décor naturel. De la terre de bruyère, une ardoise peuvent composer le toit de la crèche.
    On peut aussi réaliser un petit mas provençal ou une grotte en papier rocher avec au sommet un ange et une étoile.

    Chacun à sa méthode pour rendre la crèche plus vivante et mettre en place des rituels pour apporter les personnages.

    La crèche restera dans nos maisons jusqu'au 2 février, date de la présentation de Jésus au Temple.
    Entre temps, les Rois mages sont arrivés le 6 janvier, jour de l'Epiphanie.

    Les rois mages

    Venus d'Orient, trois rois se mirent en route en suivant la lumière de l'étoile qui les guida jusqu'à Bethléem.

    Ils y trouvèrent l'enfant Jésus, qui appelèrent le " Nouveau Roi des Juifs ".
    Quand ils le découvrirent dans l'étable, près de ses parents, Marie et Joseph, ils s'agenouillèrent devant lui en signe de respect et lui apportèrent de l'or, de la myrrhe et de l'encens.

    L'origine des Rois mages est aujourd'hui encore obscure. On les dits savants, riches mais errants. Ces mystérieux personnages alimentèrent l'imaginaire qui enveloppe Noël.

    Une chanson populaire raconte comment les Rois mages sont venus d'Afrique.
    Pour l'Evangile, ils arrivèrent de l'Orient. Peut être viennent ils tout simplement du mystérieux pays d'où sont originaires les Saintes Maries de la Mer et qui porta longtemps le nom d'Egypte.

    Longtemps, le 6 janvier jour de l'Epiphanie fût plus important que le jour de Noël.

    La symbolique des cadeaux en portait témoignage : l'or de Melchior célébrait la royauté, l'encens de Balthazar la divinité et la myrrhe de Gaspard annonçait la souffrance rédemptrice de l'homme à venir sous les traits de l'enfant.

    Qu'est ce que la myrrhe ?

    La myrrhe est une résine odorante fournie par un arbre d'Arabie, le balsamier.

    Longtemps ce jour là, on célébra le miracle de Cana : de l'eau changée en vin.
    Un rituel de quête terminait jadis la période des 12 jours de fêtes.
    Les quêteurs recevaient souvent en guise de présent une part de galette.

    Et si le Père Noël était un Roi mage ?

    Une légende russe raconte qu'il existe un 4e Roi mage, qui conduit sur la steppe un traineau tiré par des rennes et rempli de cadeaux pour les enfants. Depuis 2000 ans il a renoncé à trouver l'enfant Jésus, alors il comble de cadeaux les enfants qu'il rencontre en cours de route.

     


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