•  

      Toussaint
       

       

      Comme son nom l’indique, la Toussaint est la fête de tous les saints. Chaque 1er novembre, l’Église honore ainsi la foule innombrable de ceux et celles qui ont été de vivants et lumineux témoins du Christ.

      Si un certain nombre d’entre eux ont été officiellement reconnus, à l’issue d’une procédure dite de « canonisation », et nous sont donnés en modèles, l’Eglise sait bien que beaucoup d’autres ont également vécu dans la fidélité à l’Evangile et au service de tous. C’est bien pourquoi, en ce jour de la Toussaint, les chrétiens célèbrent tous les saints, connus ou inconnus.
      Cette fête est donc aussi l’occasion de rappeler que tous les hommes sont appelés à la sainteté, par des chemins différents, parfois surprenants ou inattendus, mais tous accessibles.

      La sainteté n’est pas une voie réservée à une élite : elle concerne tous ceux et celles qui choisissent de mettre leurs pas dans ceux du Christ. Le pape Jean-Paul II nous l’a fait comprendre en béatifiant et canonisant un grand nombre de personnes, parmi lesquelles des figures aussi différentes que le Père Maximilien Kolbe, Edith Stein, Padre Pio ou Mère Térésa…

      La vie de ces saints constitue une véritable catéchèse, vivante et proche de nous. Elle nous montre l’actualité de la Bonne nouvelle et la présence agissante de l’Esprit Saint parmi les hommes. Témoins de l’amour de Dieu, ces hommes et ces femmes nous sont proches aussi par leur cheminement – ils ne sont pas devenus saints du jour au lendemain -, par leurs doutes, leurs questionnements… en un mot : leur humanité.
      La Toussaint a été longtemps célébrée à proximité des fêtes de Pâques et de la Pentecôte. Ce lien avec ces deux grandes fêtes donne le sens originel de la fête de la Toussaint : goûter déjà à la joie de ceux qui ont mis le Christ au centre de leur vie et vivre dans l’espérance de la Résurrection.

      Qu’est-ce que la sainteté ?

      Le texte des Béatitudes, qui est l’Evangile lu au cours de la messe de la Toussaint, nous dit à sa manière, que la sainteté est accueil de la Parole de Dieu, fidélité et confiance en Lui, bonté, justice, amour, pardon et paix.

      « Quand Jésus vit toute la foule qui le suivait, il gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent. Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire. Il disait :
      « Heureux les pauvres de coeur : le Royaume des cieux est à eux !
      Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise !
      Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés !
      Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice: ils seront rassasiés !
      Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde !
      Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu !
      Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu !
      Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux !
      Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux ! » » (Matthieu 5, 1-12a)

       source: Eglise Catholique en France






































      11 commentaires
    •  

       

      Quand la rose s’entr’ouvre, heureuse d’être belle,
      De son premier regard elle enchante autour d’elle
      Et le bosquet natal et les airs et le jour.
      Dès l’aube elle sourit. La brise avec amour
      Sur le buisson la berce, et sa jeune aile errante
      Se charge en là touchant d’une odeur enivrante ;
      Confiante, la fleur livre à tous son trésor.
      Pour la mieux respirer en passant on s’incline ;
      Nous sommes déjà loin, mais la senteur divine
      Se répand sur nos pas et nous parfume encor.

      Louise Ackermann, Contes et poésies (1863)

       

       

       

       


      5 commentaires
    •  

       

       

      Saisir l’instant tel une fleur
      Qu’on insère entre deux feuillets
      Et rien n’existe avant après
      Dans la suite infinie des heures.
      Saisir l’instant.

      Saisir l’instant. S’y réfugier.
      Et s’en repaître. En rêver.
      À cette épave s’accrocher.
      Le mettre à l’éternel présent.
      Saisir l’instant.

      Saisir l’instant. Construire un monde.
      Se répéter que lui seul compte
      Et que le reste est complément.
      S’en nourrir inlassablement.
      Saisir l’instant.

      Saisir l’instant tel un bouquet
      Et de sa fraîcheur s’imprégner.
      Et de ses couleurs se gaver.
      Ah ! combien riche alors j’étais !
      Saisir l’instant.

      Saisir l’instant à peine né
      Et le bercer comme un enfant.
      A quel moment ai-je cessé ?
      Pourquoi ne puis-je… ?

      Esther Granek, Je cours après mon ombre, 1981

       

       


      3 commentaires
    •  

      Le vent tourbillonnant, qui rabat les volets,
      Là-bas tord la forêt comme une chevelure.
      Des troncs entrechoqués monte un puissant murmure
      Pareil au bruit des mers, rouleuses de galets.

      L’Automne qui descend les collines voilées
      Fait, sous ses pas profonds, tressaillir notre coeur ;
      Et voici que s’afflige avec plus de ferveur
      Le tendre désespoir des roses envolées.

      Le vol des guêpes d’or qui vibrait sans repos
      S’est tu ; le pêne grince à la grille rouillée ;
      La tonnelle grelotte et la terre est mouillée,
      Et le linge blanc claque, éperdu, dans l’enclos.

      Le jardin nu sourit comme une face aimée
      Qui vous dit longuement adieu, quand la mort vient ;
      Seul, le son d’une enclume ou l’aboiement d’un chien
      Monte, mélancolique, à la vitre fermée.

      Suscitant des pensers d’immortelle et de buis,
      La cloche sonne, grave, au coeur de la paroisse ;
      Et la lumière, avec un long frisson d’angoisse,
      Ecoute au fond du ciel venir des longues nuits…

      Les longues nuits demain remplaceront, lugubres,
      Les limpides matins, les matins frais et fous,
      Pleins de papillons blancs chavirant dans les choux
      Et de voix sonnant clair dans les brises salubres.

      Qu’importe, la maison, sans se plaindre de toi,
      T’accueille avec son lierre et ses nids d’hirondelle,
      Et, fêtant le retour du prodigue près d’elle,
      Fait sortir la fumée à longs flots bleus du toit.

      Lorsque la vie éclate et ruisselle et flamboie,
      Ivre du vin trop fort de la terre, et laissant
      Pendre ses cheveux lourds sur la coupe du sang,
      L’âme impure est pareille à la fille de joie.

      Mais les corbeaux au ciel s’assemblent par milliers,
      Et déjà, reniant sa folie orageuse,
      L’âme pousse un soupir joyeux de voyageuse
      Qui retrouve, en rentrant, ses meubles familiers.

      L’étendard de l’été pend noirci sur sa hampe.
      Remonte dans ta chambre, accroche ton manteau ;
      Et que ton rêve, ainsi qu’une rose dans l’eau,
      S’entr’ouvre au doux soleil intime de la lampe.

      Dans l’horloge pensive, au timbre avertisseur,
      Mystérieusement bat le coeur du Silence.
      La Solitude au seuil étend sa vigilance,
      Et baise, en se penchant, ton front comme une soeur.

      C’est le refuge élu, c’est la bonne demeure,
      La cellule aux murs chauds, l’âtre au subtil loisir,
      Où s’élabore, ainsi qu’un très rare élixir,
      L’essence fine de la vie intérieure.

      Là, tu peux déposer le masque et les fardeaux,
      Loin de la foule et libre, enfin, des simagrées,
      Afin que le parfum des choses préférées
      Flotte, seul, pour ton coeur dans les plis des rideaux.

      C’est la bonne saison, entre toutes féconde,
      D’adorer tes vrais dieux, sans honte, à ta façon,
      Et de descendre en toi jusqu’au divin frisson
      De te découvrir jeune et vierge comme un monde !

      Tout est calme ; le vent pleure au fond du couloir ;
      Ton esprit a rompu ses chaînes imbéciles,
      Et, nu, penché sur l’eau des heures immobiles,
      Se mire au pur cristal de son propre miroir :

      Et, près du feu qui meurt, ce sont des Grâces nues,
      Des départs de vaisseaux haut voilés dans l’air vif,
      L’âpre suc d’un baiser sensuel et pensif,
      Et des soleils couchants sur des eaux inconnues…

      Magny-les-Hameaux, octobre 1894.

      Albert Samain, Le chariot d’or


      3 commentaires
    • Voici que la saison décline,
      L’ombre grandit, l’azur décroît,
      Le vent fraîchit sur la colline,
      L’oiseau frissonne, l’herbe a froid.

      Août contre septembre lutte ;
      L’océan n’a plus d’alcyon ;
      Chaque jour perd une minute,
      Chaque aurore pleure un rayon.

      La mouche, comme prise au piège,
      Est immobile à mon plafond ;
      Et comme un blanc flocon de neige,
      Petit à petit, l’été fond.

      Victor Hugo, Dernière gerbe


      5 commentaires
    • L'automne chez moi au lac de Saint Mandé.

      L'automne chez moi au lac de Saint Mandé.

      L'automne chez moi à Saint Mandé.

      L'automne chez moi à Saint Mandé.

      L'automne chez moi à Saint Mandé.

      L'automne chez moi à Saint Mandé.


      2 commentaires
    • ...

      Lorsque tu fermeras mes yeux à la lumière,
      Baise-les longuement, car ils t'auront donné
      Tout ce qui peut tenir d'amour passionné
      Dans le dernier regard de leur ferveur dernière.

      Sous l'immobile éclat du funèbre flambeau,
      Penche vers leur adieu ton triste et beau visage
      Pour que s'imprime et dure en eux la seule image
      Qu'ils garderont dans le tombeau.

      Et que je sente, avant que le cercueil ne se cloue,
      Sur le lit pur et blanc se rejoindre nos mains,
      Et que près de mon front, sur les pales coussins,
      Une suprême fois se repose ta joue.

      Et qu'après je m'en aille au loin avec mon coeur
      Qui te conservera une flamme si forte
      Que même à travers la terre compacte et morte
      Les autres morts en sentiront l'ardeur.

       

      Émile Verhaeren

       


      5 commentaires
    • Quand le fil de ma vie (hélas ! il tient à peine )
      Tombera du fuseau qui le retient encor ;
      Quand ton nom, mêlé dans mon sort,
      Ne se nourrira plus de ma mourante haleine ;
      Quand une main fidèle aura senti ma main
      Se refroidir sans lui répondre ;
      Quand mon dernier espoir, qu'un souffle va confondre,
      Ne trouvera plus ton chemin,
      Prends mon deuil : un pavot, une feuille d'absinthe,
      Quelques lilas d'avril, dont j'aimai tant la fleur ;
      Durant tout un printemps qu'ils sèchent sur ton cœur,
      Je t'en prie : un printemps ! cette espérance est sainte !
      J'ai souffert, et jamais d'importunes clameurs
      N'ont rappelé vers moi ton amitié distraite ;
      Va ! j'en veux à la mort qui sera moins discrète,
      Moi, je ne serai plus quand tu liras : « Je meurs. »

      Porte en mon souvenir un parfum de tendresse ;
      Si tout ne meurt en moi, j'irai le respirer.
      Sur l'arbre, où la colombe a caché son ivresse,
      Une feuille, au printemps, suffit pour l'attirer.

      S'ils viennent demander pourquoi ta fantaisie
      De cette couleur sombre attriste un temps d'amour,
      Dis que c'est par amour que ton cœur l'a choisie ;
      Dis-leur que l'amour est triste, ou le devient un jour.
      Que c'est un vœu d'enfance, une amitié première ;
      Oh ! dis-le sans froideur, car je t'écouterai !
      Invente un doux symbole où je me cacherai :
      Cette ruse entre nous encor . . . c'est la dernière.

      Dis qu'un jour, dont l'aurore avait eu bien des pleurs,
      Tu trouvas sans défense une abeille endormie ;
      Qu'elle se laissa prendre et devint ton amie ;
      Qu'elle oublia sa route à te chercher des fleurs.
      Dis qu'elle oublia tout sur tes pas égarée,
      Contente de brûler dans l'air choisi par toi.
      Sous cette ressemblance avec pudeur livrée,
      Dis-leur, si tu le peux, ton empire sur moi.

      Dis que l'ayant blessée, innocemment peut-être,
      Pour te suivre elle fit des efforts superflus ;
      Et qu'un soir accourant, sûr de la voir paraître,
      Au milieu des parfums, tu ne la trouvas plus.
      Que ta voix, tendre alors, ne fut pas entendue ;
      Que tu sentis sa trame arrachée à tes jours ;
      Que tu pleuras sans honte une abeille perdue ;
      Car ce qui nous aima, nous le pleurons toujours.

      Qu'avant de renouer ta vie à d'autres chaînes,
      Tu détachas du sol où j'avais dû mourir
      Ces fleurs, et qu'à travers les plus brillantes scènes,
      De ton abeille encor le deuil vient t'attendrir.

      Ils riront : que t'importe ? Ah ! sans mélancolie,
      Reverras-tu des fleurs retourner la saison ?
      Leur miel, pour toi si doux, me devint un poison :
      Quand tu ne l'aimas plus, il fit mal à ma vie.

      Enfin, l'été s'incline, et tout va pâlissant :
      Je n'ai plus devant moi qu'un rayon solitaire,
      Beau comme un soleil pur sur un front innocent
      Là-bas . . . c'est ton regard : il retient à la terre !



      Marceline Desbordes-Valmore.


      7 commentaires
    • Octobre est doux

       net.

       

       

       

       

       

       

       

       

       



      Octobre est doux. — L'hiver pèlerin s'achemine
      Au ciel où la dernière hirondelle s'étonne.
      Rêvons... le feu s'allume et la bise chantonne.
      Rêvons... le feu s'endort sous sa cendre d'hermine.

      L'abat-jour transparent de rose s'illumine.
      La vitre est noire sous l'averse monotone.
      Oh ! le doux « remember » en la chambre d'automne,
      Où des trumeaux défunts l'âme se dissémine.

      La ville est loin. Plus rien qu'un bruit sourd de voitures
      Qui meurt, mélancolique, aux plis lourds des tentures...
      Formons des rêves fins sur des miniatures.

      Vers de mauves lointains d'une douceur fanée
      Mon âme s'est perdue ; et l'Heure enrubannée
      Sonne cent ans à la pendule surannée...


      Albert Samain.          


      2 commentaires
    • AVANT DE JUGER...

      C'est tellement facile de trouver ce qui ne fonctionne pas dans la vie des autres.
      Nous nous disons souvent:
      "Si j'étais à sa place, je ferais telle chose, telle chose, telle chose!"
      Mais avons-nous déjà pensé que si nous étions réellement à la place de l'autre personne, vraiment dans ses souliers, nous serions alors aux prises avec ses émotions, ses préjugés, ses réactions, ses inquiétudes, ses ambitions, ses objectifs, ses inhibitions, ses instincts, bref, nous aurions son passé, son présent et son avenir et il est fort probable que nous agirions exactement de la même façon qu'elle.

      Avant de condamner quelqu'un, essayons non seulement de le comprendre, mais de vibrer au même diapason que lui et nous constaterons alors que nos émotions ressemblent aux siennes.

       

      (Auteur inconnu)


      5 commentaires
       
      • Lorsque avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes,

      Echevelé, livide au milieu des tempêtes,
      Caïn se fut enfui de devant Jéhovah,
      Comme le soir tombait, l'homme sombre arriva
      Au bas d'une montagne en une grande plaine ;
      Sa femme fatiguée et ses fils hors d'haleine
      Lui dirent : « Couchons-nous sur la terre, et dormons. »
      Caïn, ne dormant pas, songeait au pied des monts.
      Ayant levé la tête, au fond des cieux funèbres,
      Il vit un oeil, tout grand ouvert dans les ténèbres,
      Et qui le regardait dans l'ombre fixement.
      « Je suis trop près », dit-il avec un tremblement.
      Il réveilla ses fils dormant, sa femme lasse,
      Et se remit à fuir sinistre dans l'espace.
      Il marcha trente jours, il marcha trente nuits.
      Il allait, muet, pâle et frémissant aux bruits,
      Furtif, sans regarder derrière lui, sans trêve,
      Sans repos, sans sommeil; il atteignit la grève
      Des mers dans le pays qui fut depuis Assur.
      « Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr.
      Restons-y. Nous avons du monde atteint les bornes. »
      Et, comme il s'asseyait, il vit dans les cieux mornes
      L'oeil à la même place au fond de l'horizon.
      Alors il tressaillit en proie au noir frisson.
      « Cachez-moi ! » cria-t-il; et, le doigt sur la bouche,
      Tous ses fils regardaient trembler l'aïeul farouche.
      Caïn dit à Jabel, père de ceux qui vont
      Sous des tentes de poil dans le désert profond :
      « Etends de ce côté la toile de la tente. »
      Et l'on développa la muraille flottante ;
      Et, quand on l'eut fixée avec des poids de plomb :
      « Vous ne voyez plus rien ? » dit Tsilla, l'enfant blond,
      La fille de ses Fils, douce comme l'aurore ;
      Et Caïn répondit : « je vois cet oeil encore ! »
      Jubal, père de ceux qui passent dans les bourgs
      Soufflant dans des clairons et frappant des tambours,
      Cria : « je saurai bien construire une barrière. »
      Il fit un mur de bronze et mit Caïn derrière.
      Et Caïn dit « Cet oeil me regarde toujours! »
      Hénoch dit : « Il faut faire une enceinte de tours
      Si terrible, que rien ne puisse approcher d'elle.
      Bâtissons une ville avec sa citadelle,
      Bâtissons une ville, et nous la fermerons. »
      Alors Tubalcaïn, père des forgerons,
      Construisit une ville énorme et surhumaine.
      Pendant qu'il travaillait, ses frères, dans la plaine,
      Chassaient les fils d'Enos et les enfants de Seth ;
      Et l'on crevait les yeux à quiconque passait ;
      Et, le soir, on lançait des flèches aux étoiles.
      Le granit remplaça la tente aux murs de toiles,
      On lia chaque bloc avec des noeuds de fer,
      Et la ville semblait une ville d'enfer ;
      L'ombre des tours faisait la nuit dans les campagnes ;
      Ils donnèrent aux murs l'épaisseur des montagnes ;
      Sur la porte on grava : « Défense à Dieu d'entrer. »
      Quand ils eurent fini de clore et de murer,
      On mit l'aïeul au centre en une tour de pierre ;
      Et lui restait lugubre et hagard. « Ô mon père !
      L'oeil a-t-il disparu ? » dit en tremblant Tsilla.
      Et Caïn répondit : " Non, il est toujours là. »
      Alors il dit: « je veux habiter sous la terre
      Comme dans son sépulcre un homme solitaire ;
      Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. »
      On fit donc une fosse, et Caïn dit « C'est bien ! »
      Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
      Quand il se fut assis sur sa chaise dans l'ombre
      Et qu'on eut sur son front fermé le souterrain,
      L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn.

      Victor Hugo

       

        3 commentaires
      •  
         
         
        Quand tu me plaisais tant que j'en pouvais mourir,
        Quand je mettais l'ardeur et la paix sous ton toit,
        Quand je riais sans joie et souffrais sans gémir,
        Afin d'être un climat constant autour de toi ;

        Quand ma calme, obstinée et fière déraison
        Te confondait avec le puissant univers,
        Si bien que mon esprit te voyait sombre ou clair
        Selon les ciels d'azur ou les froides saisons,

        Je pressentais déjà qu'il me faudrait guérir
        Du choix suave et dur de ton être sans feu,
        J'attendais cet instant où l'on voit dépérir
        L'enchantement sacré d'avoir eu ce qu'on veut :

        Instant éblouissant et qui vaut d'expier,
        Où, rusé, résolu, puissant, ingénieux,
        L'invincible désir s'empare des beaux pieds,
        Et comme un thyrse en fleur s'enroule jusqu'aux yeux !

        Peut-être ton esprit à mon âme lié
        Se plaisait-il parmi nos contraintes sans fin,
        Tu n'avais pas ma soif, tu n'avais pas ma faim,
        Mais moi, je travaillais au désir d'oublier !

        — Certes tu garderas de m'avoir fait rêver
        Un prestige divin qui hantera ton cœur,
        Mais moi, l'esprit toujours par l'ardeur soulevé,
        Et qu'aurait fait souffrir même un constant bonheur,

        Je ne cesserai pas de contempler sur toi,
        Qui me fus imposant plus qu'un temple et qu'un dieu,
        L'arbitraire déclin du soleil de tes yeux
        Et la cessation paisible de ma foi !


        Anna de Noailles.

        2 commentaires

      • 4 commentaires
      •  

         

        En broderie, comme dans la vie, on avance d'un pas tranquillement vers un accomplissement
        Le temps est annulé lorsqu'on brode
        La broderie est un rituel qui célèbre l'union parfaite de l'esprit et du geste
        Broder, c'est l'art d'ajouter de la matière
        Le plaisir de la brodeuse commence dès qu'elle choisit ses outils
        (Extraits de "Ma vie brodée" d'Hélène Soleau)

         

         

        Une autre de mes broderies


        5 commentaires
      • Une de mes broderies

        La broderie laisse libre cours à l'imaginaire 

        Derrière le geste appliqué, la tête vagabonde 

        Alors que les mains interprètent une histoire, 

        Cultivent un jardin secret, 

         

        La patience porte ses fruits ! 

         


        5 commentaires
      • Sous ces rayons cléments des soleils de septembre
        Le ciel est doux, mais pâle, et la terre jaunit.
        Dans les forêts la feuille a la couleur de l’ambre ;
        L’oiseau ne chante plus sur le bord de son nid.

        Du toit des laboureurs ont fui les hirondelles ;
        La faucille a passé sur l’épi d’or des blés ;
        On n’entend plus dans l’air des frémissements d’ailes :
        Le merle siffle seul au fond des bois troublés.

        La mousse est sans parfum, les herbes sans mollesse ;
        Le jonc sur les étangs se penche soucieux ;
        Le soleil, qui pâlit, d’une tiède tristesse
        Emplit au loin la plaine et les monts et les cieux.

        Les jours s’abrègent ; l’eau qui court dans la vallée
        N’a plus ces joyeux bruits qui réjouissaient l’air :
        Il semble que la terre, et frileuse et voilée,
        Dans ses premiers frissons sente arriver l’hiver.

        Ô changeantes saisons ! ô lois inexorables !
        De quel deuil la nature, hélas ! va se couvrir !
        Soleils des mois heureux, printemps irréparables,
        Adieu ! ruisseaux et fleurs vont se taire et mourir.

        Mais console-toi, terre ! ô Nature ! ô Cybèle !
        L’hiver est un sommeil et n’est point le trépas :
        Les printemps reviendront te faire verte et belle ;
        L’homme vieillit et meurt, toi, tu ne vieillis pas !

        Tu rendras aux ruisseaux, muets par la froidure,
        Sous les arceaux feuillus leurs murmures chanteurs ;
        Aux oiseaux tu rendras leurs nids dans la verdure ;
        Aux lilas du vallon tu rendras ses senteurs.

        Ah ! des germes captifs quand tu fondras les chaînes,
        Quand, de la sève à flots épanchant la liqueur,
        Tu feras refleurir les roses et les chênes,
        Ô Nature ! avec eux fais refleurir mon cœur !

        Rends à mon sein tari les poétiques sèves,
        Verse en moi les chaleurs dont l’âme se nourrit,
        Fais éclore à mon front les gerbes de mes rêves,
        Couvre mes rameaux nus des fleurs de mon esprit.

        Sans l’ivresse des chants, ma haute et chère ivresse,
        Sans le bonheur d’aimer, que m’importent les jours !
        Ô soleils! ô printemps ! je ne veux la jeunesse
        Que pour toujours chanter, que pour aimer toujours !

        Auguste Lacaussade, Poèmes et Paysages

         

         


        4 commentaires
      •  

         

         

        Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres;
        Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
        J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
        Le bois retentissant sur le pavé des cours.

        Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,
        Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
        Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
        Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.

        J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ;
        L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
        Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
        Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

        Il me semble, bercé par ce choc monotone,
        Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
        Pour qui ? - C'était hier l'été ; voici l'automne !
        Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

        ...

        Charles Baudelaire (1821-1867) in "les Fleurs du Mal"
        .

         

         
         

         

         


        4 commentaires
      •  

         

         

        Quand le livre où s'endort chaque soir ma pensée,

        Quand l'air de la maison, les soucis du foyer,
        Quand le bourdonnement de la ville insensée
        Où toujours on entend quelque chose crier,

        Quand tous ces mille soins de misère ou de fête
        Qui remplissent nos jours, cercle aride et borné,
        Ont tenu trop longtemps, comme un joug sur ma tête,
        Le regard de mon âme à la terre tourné ;

        Elle s'échappe enfin, va, marche, et dans la plaine
        Prend le même sentier qu'elle prendra demain,
        Qui l'égare au hasard et toujours la ramène,
        Comme un coursier prudent qui connaît le chemin.

        Elle court aux forêts où dans l'ombre indécise
        Flottent tant de rayons, de murmures, de voix,
        Trouve la rêverie au premier arbre assise,
        Et toutes deux s'en vont ensemble dans les bois !

        Victor Hugo

         

         

         

         


        3 commentaires
      •  
         
         
         
         
         

        L'aube est moins claire, l'air moins chaud, le ciel moins pur ;
        Le soir brumeux ternit les astres de l'azur.
        Les longs jours sont passés ; les mois charmants finissent.
        Hélas ! voici déjà les arbres qui jaunissent !
        Comme le temps s'en va d'un pas précipité !
        Il semble que nos yeux, qu'éblouissait l'été,
        Ont à peine eu le temps de voir les feuilles vertes.

        Pour qui vit comme moi les fenêtres ouvertes,
        L'automne est triste avec sa bise et son brouillard,
        Et l'été qui s'enfuit est un ami qui part.
        Adieu, dit cette voix qui dans notre âme pleure,
        Adieu, ciel bleu ! beau ciel qu'un souffle tiède effleure !
        Voluptés du grand air, bruit d'ailes dans les bois,
        Promenades, ravins pleins de lointaines voix,
        Fleurs, bonheur innocent des âmes apaisées,
        Adieu, rayonnements ! aubes ! chansons ! rosées !

        Puis tout bas on ajoute : ô jours bénis et doux !
        Hélas ! vous reviendrez ! me retrouverez-vous ?


          2 commentaires

            Voici que la saison décline,
            L'ombre grandit, l'azur décroît,
            Le vent fraîchit sur la colline,
            L'oiseau frissonne, l'herbe a froid.

            Août contre septembre lutte ;
            L'océan n'a plus d'alcyon ;
            Chaque jour perd une minute,
            Chaque aurore pleure un rayon.

            La mouche, comme prise au piège,
            Est immobile à mon plafond ;
            Et comme un blanc flocon de neige,
            Petit à petit, l'été fond.

             

            Victor Hugo

             

              2 commentaires